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Référendum sur l’indépendance de l’Ecosse : vers l’épreuve décisive

19/09/2014

Référendum sur l’indépendance de l’Ecosse : vers l’épreuve décisive

On approche du jour de l’épreuve décisive, le 18 septembre, quand les écossais décideront si oui ou non le pays continue ã faire partie du Royaume-Uni.

Près de 4,3 millions de personnes – soit 97% de ceux qui détiennent le droit de vote – se sont inscrits sur les listes électorales afin d’aller voter. On parle d’un fait sans précédent dans l’histoire de l’Ecosse, ce qui doit nous donner la mesure de la vigueur de la campagne qui tient tout le pays en haleine. Jusqu’à ces dernières semaines, le débat avait un écho restreint, mais un tournant s’est opéré avec la publication d’un sondage le 7 septembre par le Sunday Times qui a révélé que le vote en faveur de l’indépendance allait arriver en premier avec un résultat prévu entre 51 et 49%.

Face ã ce dangereux résultat, il n’y eut aucune surprise ã voir les dirigeants des principaux partis britanniques se précipiter, abandonnant leurs tâches, pour se rendre en Ecosse, investis par la mission de “sauver l’Union”, et pour annoncer à l’Ecosse tous les maux possibles et imaginables dont elle souffrirait dans le cas où le “oui”gagnerait. Cette nouvelle “apocalytique” a été suivie par l’effondrement de la libre sterling ainsi que par les menaces du secteur banquier et de la finance.

Chaque camp a déroulé ses arguments. Cependant, celui qui décidera de l’issue du conflit sera “l’homme de Govan”, expression avec laquelle on fait allusion à l’électeur de ce district ouvrier de Glasgow, véritable coeur des chantiers navals de BAE Systems. Cette entreprise, qui fabrique des porte-avions, navires de guerre et de destruction, a licencié 1 775 ouvriers en Angleterre et en Ecosse en novembre 2013. Quelques travailleurs avaient été transférés vers d’autres sites tandis que les autres n’ont fait qu’allonger les files des chômeurs. Solide bastion du “travaillisme” en Ecosse, le quartier de Govan n’avait jamais soulevé la moindre remise en cause de l’Union auparavant. Aujourd’hui, le secteur représente la moitié des indécis. C’était comme si, une fois les résultats en faveur de l’indépendance sorti le 8 septembre, l’ancien premier ministre, Gordon Brown, était sorti de l’ombre, se rapprochant de ce district en promettant de plus grands pouvoirs pour l’Ecosse afin de maintenir le vote travailliste en faveur du “Non”.

La campagne du “non”

Dans ce camp, cohabitent la campagne “ better Together” (“Mieux ensemble”) – une alliance des partis conservateurs et démocrates libéraux issu du gouvernement et le parti travailliste de l’opposition. Le problème principal pour ce camp-ci, c’est que, à leurs amis du grand patronat, de la banque et de la finance, s’est ajoutée la coalition bien embarrassante – et profondément réactionnaire – du parti xénophobe de l’UKIP et de l’ordre Orange, monarchiste et unioniste.

Et tous ces ultra-rétrogrades ont organisé une marche dans les rues d’Edimburg dimanche dernier, qui a réussi ã mobiliser près de 15 000 personnes venant de tous les coins du pays, qui ont affiché les drapeaux et les symboles de l’Union.

Cette alliance réactionnaire cherche ã maintenir le rôle de l’impérialisme britannique, dans cette période décadente, afin de perpétuer ses interventions comme nous avons pu le voir récemment en Afghanistan, ou encore ã travers son rôle joué au sein des institutions internationales comme membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et dans l’OTAN.

La campagne du ’non” se base exclusivement sur un alarmisme qui n’a rien d’autre ã offrir de plus aux travailleurs écossais. Dans cette campagne, cependant, il y a un petit secteur, représenté par le mouvement syndical, avec des référents de gauche comme Owen Jones, des groupes d’universitaires écossais et anglais, ainsi que plusieurs partis de gauche. Ce secteur, même s’il dénonce la monarchie et le rôle que joue les grands patrons, se limite ã critiquer l’agenda libéral de Salmond, sans remettre en question le rôle joué par la Grande Bretagne à l’échelle internationale. Face ã un pouvoir centralisé ã Westminster, ils proposent une solution décentralisée et fédérale pour les pays de Grande Bretagne. Sa réponse est qu’un parti nationaliste bourgeois ne résoudra pas les problèmes de la classe ouvrière écossaise puisque les travailleurs des deux côtés de la frontière ont le même ennemi, lequel sera plus facile de combattre dans une lutte commune.

La campagne du “oui”

La camp indépendant, conduit par le SNP, un parti nationaliste bourgeois, a réussi ã attirer dans les rangs du “oui” le secteur de la gauche, regroupés autour de Radical Independance Campaign, la Campagne Radicale pour l’Indépendance (RIC), où l’on retrouve les principaux partis de la gauche britanniques, le parti des verts, et des personnalités comme Ken Loach.

Sans le moindre doute, durant les dernières semaines de campagne s’est développé un important mouvement populaire en faveur de l’indépendance. Et il est aussi certain que la dynamique a été particulièrement alimentée par la mobilisation des secteurs les plus pauvres et des travailleurs. Ce sont ces secteurs, qui se sentent exclus et abandonnés du pouvoir central qui ont vu dans la campagne pour le “oui”une voie par laquelle manifester leur mécontentement à l’égard de la politique libérale et d’austérité. La campagne pour le “oui” a été d’autant plus prise en charge par ceux qui ont vécu les conséquences du thatchérisme, les destructions du néo-libéralisme, et les coupes budégtaires d’un gouvernement de l’austérité.

Dans cette explosion du sentiment indépendantiste écossais, convergent plusieurs éléments d’explications. D’un côté, la campagne “better Together” qui a déroulé un scénario catastrophe, présageant la perte de l’emploi, de la monnaie, et un futur économique désastreux pour une Ecosse Indépendante, est bien mal tombée. A ça s’est ajouté la perte de légitimité du gourvernement actuel. Le mécontentement à l’égard du pouvoir de Westminster n’est pas quelque chose de nouveau pour les écossais. Déjà Thatcher avait utilisé les écossais comme cobayes pour instaurer l’impôt citoyen dit “poll-tax”.

Cependant, les grands patrons ont été en faveur de cette proposition, puisque Salmond a promis de réduire les impôts des entreprises pour stimuler la production. Peut-être que la figure la plus mise ã mal par la campagne du “oui” est celle de Brian Souter, fondateur et propriétaire de la seconde entreprise de transport du Royaume-Uni, Stagecoach Group PLC. Avec un grand esprit entrepreunarial, Souter a monté un service de transport pendant la grève des cheminots qui avait eu lieu sous le gouvernement de Thatcher. Il avait employé les seuls “jaunes”, puisque les chauffeurs d’autobus étaient alors en grève de solidarité avec les cheminots. Souter, en plus d’être un homme d’affaires, est un chrétien fanatique, qui a voulu intervenir dans le parlement afin d’interdire qu’on parle d’homosexualité dans les écoles, et il a également organisé un référendum “non-officiel” contre le droit à l’avortement. Salmond, de son côté, avait pris part au travail qui a mené à l’abaissement de la limite de la période de gestation permise pour pratiquer un avortement.

Les limites du mouvement indépendantiste

L’importante ccroissance du mouvement en faveur de l’indépendance doit beaucoup au démantèlement de l’Etat Social qui s’est opéré sous le gouvernement de Margaret Thatcher, continué par Tony Blair et Brown. Cependant, même si elle a pu compter sur le soutien de la gauche, la campagne indépendantiste a rencontré ses propres limites. D’un coté, les arguments les plus repris par le camp du “oui” tournent beaucoup autour du thème de la justice sociale, de la défense du service public de santé (National Health Service) et de la proposition de se débarrasser des armes nucléaires des sous-marins Trident. Cependant, dans le nord de l’Angleterre, les travailleurs souffrent des mêmes conséquences dévastatrices des politiques deThatcher à l’égard de l’industrie, des politiques néo-libérales de Tony Blair, et des coupes budgétaires, souffrances qui se sont exprimées lors des mobilisations massives contre ces coupes en mars 2011 et en octobre 2012.

Si bien sûr ce ne sont pas les questions historiques qui ont dominé la campagne, Salmond s’est prononcé en faveur du maintien de la monarchie, et a exprimé son désir de revenir à l’union des royaumes d’Ecosse et d’Angleterre telle qu’elle était en 1603, quand la reine Elizabeth est morte sans laisser d’héritier au trône. Le leader nationaliste a également manifesté son désir de maintenir le système du Commonwealth, dont le chef d’Etat est la reine, et de rester dans l’OTAN. Autre aspect polémique : son souhait de conserver la monnaie écossaise dans la Banque Centrale d’Angleterre – un point qui n’est pas négociable pour Westminster. De son côté le SNP, a indiqué qu’il allait solliciter l’entrée dans l’Union Européenne, une proposition que a généré des critiques de plusieurs secteurs capitalistes anti-européens, qui donnent l’exemple de l’expérience grecque ou irlandaise, avertissant que cela sera le destin de l’Ecosse si elle sort du système de la livre sterling.

Quelles perspectives sont ouvertes ?

Qu’importe le gagnant, la classe politique britannique a été remise en question. Le référendum écossais s’est transformé en un fait politique majeur, qui a remis en question le rôle de la classe poliique britannique, ouvrant sur une crise qui va se poursuivre indépendamment des résultats obtenus. Un résultat si serré, avec ã peine quelques points de différence, pour une consultation électorale qui concentre une telle attention des votants, va certainement laisser en cours de route des traces et un mécontentement qui ne sera pas facile ã éteindre, exposant encore davantage les différents intérêts des capitalistes.

Une victoire du “oui” en Ecosse générerait une énorme crise pour le Royaume-Uni. Du point de vue constitutionnel cela impliquerait l’écriture d’une nouvelle carte, transformerait les échéances électorales prévues pour 2015 et altérerait l’équilibre des pouvoirs ã Westminster. Cela représenterait une déroute politique de grande envergure autant pour les partis de gouvernement que pour l’opposition. Ses leaders seraient déstabilisés et commenceraient ã chercher de nouveaux boucs-émissaires.

Objectivement, cela affaiblirait le rôle dela Grande Bretagne sur la scène internationale. Mais conclure uniquement, de manière unilatérale et mécanique, qu’en sortirait l’ouverture d’une dynamique favorable aux travailleurs et au peuple non seulement écossais mais aussi de l’Angleterre, comme l’affirme certains partisans du oui, est bien trop avancé sur la réalité. Cette posture, d’une certaine manière, finit par céder sans aucune critique au nationalisme bourgeois écossais.

Bien au contraire, la victoire du “oui” mènera les travailleurs écossais dans la continuité de l’agenda libéral et des attaques, cette fois depuis Edimbourg et non plus depuis Londres. Pour la classe ouvrière anglaise, cela signifiera aussi la poursuite des politiques d’ajustement. La victoire du “oui” aura des répercussions géopolitiques, Madrid et ã Bruxelles s’en plaindront, tandis qu’en Catalogne se renforceront les sentiments indépendantistes.

Si le “non” gagne, Westminster aura ã concéder une partie des pouvoirs pour calmer les revendications de la population indépendantiste. Et même si l’Union est préservée, les secteurs les plus réactionnaires comme l’UKIP ne pardonneront pas ã Cameron les concessions aux écossais, et l’affaiblissement du pouvoir central. Son leadership sera également remis en cause. Le travaillisme en sortira certainement beaucoup plus impacté, puisque l’équilibre de ses forces dans le parlement britannique repose en partie sur les 59 députés écossais.

Même si la campagne pour le “oui” est une expression du mécontentement de larges secteurs de la population, c’est avant tout se compromettre avec le SNP, et ça en représente pas une solution de classe aux problèmes qui affectent les travailleurs et les travailleuses écossais.

Les aspirations des travailleurs et de la classe opprimée écossaise ne pourront pas être représentées dans une Ecosse qui continuerait ã être contrôlée par les monopoles et subordonnée à la monarchie, les intérêts de la classe dominante et la finance. Si la Grande Bretagne capitaliste n’est pas une solution de sortie à la crise, l’Ecosse capitaliste sous le règne d’Isabelle II,sous la domination de la livre et dans le regroupement de l’OTAN, ne l’est pas plus.

14-09-2014

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