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L’offensive du gouvernement et du patronat est sur tous les fronts !
par : Damien Bernard

22 Oct 2014 | Ce 17 septembre 2014, Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, expliquait sur Europe1 que « le problème de la France, c’est d’abord elle-même », rajoutant alors que « la France est malade, elle n’est pas bien. Il y a une fièvre, qui s’appelle le chômage de masse. On s’y attèle. Il n’y a pas d’autre choix que d’agir pour réformer ». Comprenons bien, la crise (...)
L’offensive du gouvernement et du patronat est sur tous les fronts !

Ce 17 septembre 2014, Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, expliquait sur Europe1 que « le problème de la France, c’est d’abord elle-même », rajoutant alors que « la France est malade, elle n’est pas bien. Il y a une fièvre, qui s’appelle le chômage de masse. On s’y attèle. Il n’y a pas d’autre choix que d’agir pour réformer ». Comprenons bien, la crise économique et sociale, le chômage de masse seraient donc une maladie inoculée par « la défiance, la complexité et les corporatismes ». Ces trois caractérisations synthétiseraient les « maux » spécifiques de la « France ». Derrière, ce concentré d’idéologie bourgeoise, appelé plus communément la politique de l’offre, Macron dessine les contours d’une politique économique néo libérale qui prend pour objectif de replacer une bourgeoisie française moribonde dans la compétition européenne et internationale. Il faudrait d’abord « régler nos problèmes » et « montrer [l’Allemagne] qu’on sait être exigeants avec nous ». Alors seulement, l’Allemagne pourra « soutenir davantage la demande au niveau de la zone euro ».

Cette stratégie étapiste que le gouvernement et le patronat sont en train de mettre en place vise d’abord ã rétablir le taux de profit du patronat français ã un niveau comparable ã celui de l’Allemagne, puis ã se coordonner ensuite au niveau Européen pour une politique de relance afin d’enrayer la crise économique en Europe, plus particulièrement touchée par la crise du système capitaliste au niveau mondial. Cette politique, impulsée par le patronat, prend une forme concrète dans des tactiques qui visent ã augmenter le taux d’exploitation des travailleurs, que Macron classe en trois catégories : défiance, complexité et corporatisme.

« La défiance » : ou comment demander au prolétariat d’être défait sans combattre !

Pour Macron, les Français « ont de moins en moins confiance dans leurs élites ». Cela serait dû au fait que les politiques de droite comme de gauche n’auraient jamais pris leurs responsabilités, c’est-à-dire qu’ils n’auraient jamais fait les « [contre]-réformes » nécessaires. Il faudrait donc lui « faire confiance, simplifier massivement et retrouver le sens de l’intérêt général ». Dans la droite lignée du pacte de responsabilité et de ses coupes de 21 milliards dans le budget de la sécurité sociale, le gouvernement souhaite continuer ã baisser la part du salaire socialisé qui revient à l’ensemble des travailleurs qui en ont besoin grâce ã un système de solidarité représenté par la sécurité sociale, le régime d’assurance chômage et les allocations familiales.

Le salaire « total » qui permet aux travailleurs de se reproduire en tant que force de travail est composé du salaire net, celui que l’on reçoit tous les mois sur notre compte en banque, et du salaire socialisé qui finance l’assurance chômage, les assurances sociales et le régime de retraite. Cette part socialisée, financée pour partie par des cotisations patronales et pour partie par des cotisations salariales, est calculée proportionnellement aux salaires des travailleurs, ce qui permet une redistribution d’une partie des inégalités produites par la différentiation des salaires, produite par les politiques patronales.

Pratiquement, les cotisations salariales sont déduites du salaire brut fixé par le contrat de travail. Ainsi une baisse des cotisations salariales induit une hausse du salaire net et une baisse du salaire socialisé ; inversement une augmentation des cotisations salariales diminue le salaire net et augmente le salaire socialisé. Du point de vue des travailleurs, cette répartition est sans conséquence sur leur salaire total. Par contre, les cotisations patronales constituent une ponction effective sur notre salaire total. Toute baisse des cotisations patronales, communément appelée « exonération » implique en dernière instance une baisse du salaire socialisé et par conséquent une baisse du salaire total. Ces exonérations viennent ainsi s’ajouter aux bénéfices des entreprises et masquent une baisse générale de nos salaires. Ces pratiques pro patronales permettent une augmentation masquée du taux d’exploitation des travailleurs et une hausse invisibledes profits des capitalistes !

Il n’est donc pas étonnant que depuis 1990 et le tournant néolibéral, les gouvernements successifs n’ont cessé d’exonérer les patrons de cotisations. Ces exonérations, indolores pour nos bulletins de salaires au premier abord, engraissent toujours plus les bénéfices de nos exploiteurs et creusent les déficits des régimes de solidarité. Ces déficits sont donc créés de toute pièce par le gouvernement et le patronat via les exonérations de cotisations patronales. De plus, ils sont aggravés par la crise économique et sociale qui rend les besoins de cette solidarité encore plus nécessaire et réduit, en raison même du chômage, la masse totale des cotisations. Une fois ces gouffres financiers créés, ce sont les extorqueurs eux-mêmes qui crient au loup, pointant du doigt les déficits excessifs de ces régimes. La conclusion des possédants est donc naturellement que si le régime est en déficit, il faut diminuer les prestations pour « équilibrer » le régime de solidarité. Cette baisse des prestations n’est en fait que la matérialisation de la baisse du salaire socialisé disponible pour les travailleurs et de la possibilité conjointe laissée aux patrons de réduire leur part de cotisation. A une échelle globale, ce mécanisme a pour effet de modifier structurellement le rapport salaire/profit en faveur du patronat, de ses profits et du jeu concurrentiel capitalistique.

C’est cette tactique que le patronat utilise aujourd’hui pour l’ensemble de nos régimes de solidarité : créer des déficits et ensuite diminuer nos prestations, donc notre salaire. Elle s’applique aussi bien ã notre régime de retraite, qu’à la sécurité sociale, aux allocations chômage, ou aux allocations familiales. Ainsi, bien que progressistes, ces régimes sont toujours sous le contrôle de l’Etat bourgeois, qui possède ã tout instant les moyens d’attaquer nos acquis sociaux.

· Pour pouvoir réellement faire preuve de notre solidarité de classe et l’étendre ã son ensemble, la seule solution est la prise en main et le contrôle par les travailleurs eux-mêmes de ces régimes de solidarité.

· A bas le budget de l’austérité et les cadeaux au patronat ! Pour un budget à la hauteur des besoins sociaux des travailleurs et des classes populaires en termes de santé, d’éducation, de loisirs.

« La complexité », où comment précariser nos contrats de travail !

Selon le ministre de l’Economie, la France « adore les lois », mais « trop de normes » nuisent « aux plus fragiles ». De la même façon, il explique que le code du travail est bien trop touffu. Il nous rassure ensuite en nous expliquant que « le problème ne vient pas des Français, mais des rigidités du système ». C’est cette « rigidité du système français » qui, empêche de « libérer, d’investir et de travailler ». Ce qu’oublie de dire Macron, c’est que cette « complexité » est le fruit des batailles du mouvement ouvrier et de ses organisations et vise ã protéger les travailleurs contre les abus des capitalistes qui se battent quant ã eux pour augmenter le taux d’exploitation de la classe laborieuse. Ce code du travail représente d’une certaine façon la « régulation » de l’exploitation de la marchandise force de travail et matérialise la péréquation du taux d’exploitation de tous les travailleurs par les capitalistes particuliers. Ainsi quel que soit l’employeur, le travailleur aura les mêmes droits et travaillera un nombre X de jours déterminé pour reproduire sa force de travail et un nombre Y de jours pour le capitaliste.

En période de croissance où les profits sont élevés et le plein emploi assuré, par exemple pendant les « trente glorieuses », ces acquis, fruit des batailles du mouvement ouvrier, sont tolérés ã contrecœur par la bourgeoisie pour maintenir la fameuse « paix sociale ». En période de crise aigüe, ce code du travail devient un réel problème pour le patronat qui ne peut licencier et exploiter comme il le souhaite et ainsi adapter son capital variable en fonction de la production qu’il peut écouler sur le marché et de la concurrence internationale. C’est pour cela que pendant l’époque néolibérale, il le « complexifie » ã son avantage et crée le CDD en 1979, l’intérim, la sous-traitance, la différenciation des salaires, les primes sur objectif. Amendé, vidé, de sa substance le contrat de travail reste malgré tout une forte contrainte car les amendements qu’il a subis ne touchent pas directement les salariés déjà en place. L’attaque n’est donc pas totale.

Ainsi derrière, la « simplification », la « libération » se cache une autre tactique de la bourgeoisie. Après la diminution du salaire socialisé, le gouvernement et le patronat s’attaquent désormais au salaire netet à la flexibilisation du travail. Il faut, pour le patronat, améliorer le taux de plus-value ã travers une baisse du salaire net (part du salaire total) et améliorer la rotation de la marchandise force de travail tout comme il améliore la rotation de l’achat des matières premières. En période de crise, il faut plus que jamais, pour le patronat, éviter les « gaspillages » de temps de travail, seule source de l’accroissement de valeur, tout comme tendre ã améliorer la production pour éviter les pertes en matières premières.

Pour cela, le gouvernement et le patronat attaquent les 35h, promeuvent le travail le dimanche ou encore le contrat de travail unique, bien aidés en cela, par la presse bourgeoise qui compare en permanence les salaires et la productivité des travailleurs en France avec des pays comme l’Allemagne ou l’Angleterre où le « coût » du travail est moins élevé et la productivité plus forte. Ce que la bourgeoisie cache, c’est que les acquis du mouvement ouvrier Allemand ont été au préalable détricotés par les réformes Hartz au début des années 2000. Après la fameuse dévaluation compétitive, créant l’inflation et l’appauvrissement pour les travailleurs, le patronat met en place la désinflation salariale et la précarisation du travail. Il attaque une fois de plus nos conditions de travail, déjà suffisamment difficiles, pour augmenter son profit et rétablir sa position dans le marché capitaliste. Nous devons nous y opposeren :

· Interdisant les licenciements et les suppressions de postes.

· Luttant pour une réduction massive du temps de travail sans perte de salaire et sans précarisation, jusqu’à réincorporer la totalité des chômeurs à la production.

· Occupant, sous contrôle ouvrier, toute entreprise qui ferme ou licencie. En expropriant sans indemnité ni rachat ces entreprises, ainsi que tous les secteurs stratégiques de l’économie.

Le corporatisme, ou comment appeler « corporatiste » tout combat contre la grande bourgeoisie !

Pour le gouvernement et Macon, le corporatisme a un sens très large. Ainsi il concernerait « tous les Français », il est aussi bien utilisé pour dénoncer les monopoles de la petite bourgeoisie en profession libérale, que l’Etat a lui-même mis en place par le passé, notaires, huissiers de justice, pharmaciens, opticiens, buralistes, dentistes, taxis, etc… que pour dénoncer la position de monopole des transports en bus d’une autre frange de la petite bourgeoisie : les maires, conseils généraux ou régionaux, ou les monopoles de l’Etat lui-même alors que la SNCF et son TGV trustait le transport en France.

Cette petite bourgeoisie qui jouit aujourd’hui d’une position de monopole « non naturel » (non soumis réellement au marché capitaliste) tente de défendre son pré-carré auprès du gouvernement et du patronat. Encore en position dominante et pas encore ruinée, elle défend aujourd’hui des intérêts particuliers, ceux de sa classe qui ne sont pas ceux de la classe ouvrière. Ainsi elle n’a pas hésité ã se compromettre avec la grande bourgeoisie pendant la période de croissance des « trente glorieuses ». Si la grande bourgeoisie l’attaque aujourd’hui c’est qu’ elle est en crise profonde, avec par exemple l’ouverture du transport de bus aux grandes sociétés monopolistes d’autocars (Eurolines, iDBUS et Megabus), les VTC (voiture de tourisme avec chauffeur) qui tentent de généraliser la « prolétarisation » des taxis indépendants, la commercialisation de certains médicaments par les monopoles de la grande distribution, la « professionnalisation » des prud’hommes, la « modernisation » des professions réglementées du droit etc…

Le « Corporatisme » permet aussi au gouvernement et au patronat de dénoncer toute grève ouvrière, qu’il s’agisse de la grève des cheminots à la SNCF, présentée comme une grève inutile, voire corporatiste, ou bien Valls qui dénonce la grève des pilotes d’Air France et de leur syndicats SNLP comme un « mouvement purement corporatiste ». Le gouvernement oppose ainsi « corporatisme » et « intérêt général ». Cet intérêt général que désigne l’Etat n’est ni plus ni moins que l’intérêt de la grande bourgeoisie. Le « corporatisme » désignerait donc tout mouvement et combat qui s’opposerait aux intérêts de la grande bourgeoisie. Toute grève ouvrière commencera donc toujours, selon l’idéologie dominante, par être « corporatiste », car elle s’oppose aux attaques de la classe dominante contre les acquis d’une branche de production ou d’une entreprise.

Le combat de la petite bourgeoisie en cours de déclassement ne doit pas être confondu avec le combat de la classe ouvrière, car seules nos revendications a priori « corporatistes » peuvent et doivent a posteriori s’étendre pour embrasser les revendications de l’ensemble de classe ouvrière et des opprimés (incluant certaines franges de la petite bourgeoisie ruinée). Cela implique de dépasser le cadre des journées d’action isolées à l’image de la manifestation interprofessionnelle du 16 octobre organisée par la CGT. De façon tout aussi « corporatiste », au sens du repli sur son pré-carré syndical, rien n’a été fait de la part de la CGT pour étendre l’appel à l’ensemble des organisations syndicales. Et ce alors même que la plupart d’entre elles, y compris la CFDT et la CFTC, ont dû prendre leurs distances vis-à-vis du gouvernement et du dialogue patronat-syndicat à la suite des déclarations provocatrices de Macron sur les 35 heures ou des attaques en règle formulées par Gattaz dans le « document de travail » révélé le 15 septembre 2014.

C’est là aussi l’un des paradoxes de la situation actuelle, avec, d’un côté, des grèves sectorielles pouvant être très dures, mais que les politiques des directions syndicales font tout pour circonscrire, et, de l’autre, des journées d’action qui ne sont organisées que pour répondre ã une certaine pression de la base, mobiliser les syndicalistes ou les équipes syndicales, mais sans aucune perspective d’unification. L’extrême gauche aurait un rôle de lien et de dynamiseur ã jouer dans ce cadre, mais elle oscille entre attentisme et suivisme du Front de Gauche et des « antilibéraux ». Le monde du travail, lui, dans ses secteurs les plus radicalisés, pourrait se fatiguer de trop attendre.

19/10/2014.

 

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