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Lufthansa : im Streik !
par : Courant Communiste Révolutionnaire - Plateforme Z dans le NPA

23 Sep 2012 | Début septembre, les hubs aéroportuaires de Francfort, Munich et Berlin ont été paralysés par la grève historique des hôtesses et stewards de la Lufthansa, première compagnie aérienne européenne.

Par Pierre Voisset

Début septembre, les hubs aéroportuaires de Francfort, Munich et Berlin ont été paralysés par la grève historique des hôtesses et stewards de la Lufthansa, première compagnie aérienne européenne.

Les négociations salariales du mois d’août n’ayant mené ã rien, le syndicat UFO (syndicat indépendant des personnels navigants) a appelé à la grève. Ce jeune syndicat, créé en 1992 à la suite d’une scission de VERDI, le grand syndicat allemand des services, revendique les adhésions des deux tiers des 18000 hôtesses et stewards de la compagnie. Les membres du personnel naviguant se sont mobilisés pour deux journées de grève offensive les mardi 4 et vendredi 7 septembre, avec pour revendications une hausse des salaires de 5% (restés au point morts depuis trois ans), la suppression du recours à l’intérim et l’embauche des intérimaires. La grève de 24 heures du 7 septembre a touché toute l’Allemagne et la moitié des 1800 vols de la Lufthansa ont été annulés, en période de rentrée de vacances. La direction et les syndicats se sont remis à la table des négociations, mais le combat reste en sursis et UFO envisage de nouveaux débrayages à la mi-octobre s’il n’est pas satisfait des concessions de la Lufthansa [1].

Le transport aérien : un secteur stratégique en ébullition

Cette offensive se place dans le contexte bien particulier de la crise profonde du transport aérien en Europe. Se disant « victimes » de la concurrence des compagnies low-cost comme Ryan Air [2], les grandes compagnies nationales, pourtant perfusées d’argent public, se lancent aujourd’hui dans des attaques sans précédent contre leurs employé-e-s, pour augmenter leurs marges. Ainsi Air France a annoncé le 21 juin dernier la suppression de plus de 5122 postes d’ici ã décembre 2013 [3]. Le nombre de départs dits « naturels » étant estimé ã 1700, on peut s’attendre ã plus de 3300 licenciements.

Sous les mots d’ordre de reconquête de la compétitivité et de stratégie de croissance, c’est le « modèle Ryanair » de compression des coûts (entendre des employé-e-s) qui s’étend, pour le grand bonheur des actionnaires qui, comme le souligne le magazine économique Challenge, « préfèrent Ryanair ã Air France-KLM » [4]. Et pour cause : Ryanair est la compagnie aérienne dont le rapport capital/travail est le plus en défaveur des employés. La firme irlandaise ne consacre en effet que 10% de son chiffre d’affaires aux rémunérations des salariés, contre 24,6% pour Lufthansa et 30,6% pour Air France. Par contre, son cours en bourse a augmenté de 700% depuis son introduction en 1998 et sa capitalisation boursière, ã hauteur de 6 milliards d’euros est aujourd’hui six fois plus importante que celle d’Air France KLM.

Lufthansa, pour sa part, a annoncé en mai dernier un plan de suppression de plus de 3500 postes dans ses services administratifs. Derrière ces coupes ã blanc, la stagnation des salaires pour ceux qui restent et le recours toujours plus important à l’emploi précaire, il faut voir la recherche d’un ajustement au modèle économique Ryanair, manifeste depuis la création de sa filiale low-cost, « Germanwings ». En agitant le chiffon des pertes dues à la hausse du prix du carburant [5], la Lufthansa cherche ã faire, contre pertes, profits… sur le dos de ses employés. Mais cette fois, ils ne se sont pas laissés faire.

Offensive contre la précarité.

Offensive, de par sa revendication d’une hausse de 5% des salaires dans un contexte de crise, cette grève de la Lufthansa est aussi particulièrement intéressante, car elle s’est attaquée au recours croissant à l’intérim et à l’emploi précaire.

Cette lutte est ã replacer dans le contexte d’une montée de la conflictualité lors des négociations salariales allemandes (les Tarifrunden). Les syndicats sont contraints à l’action par leur base et en particuliers par les jeunes syndiqué-e-s, souvent intérimaires ou apprentis. Les négociations salariales du printemps dernier avaient été marquées par une série de débrayages offensifs dans les secteurs clés de la métallurgie et des transports publics pour des hausses de salaires. Trahis par les directions syndicales à la manœuvre, quelques miettes furent distribuées, ã peine égales à l’inflation.

Ce recours croissant au débrayage et ã des grèves offensives de 24h lors des négociations salariales pourrait constituer les prémisses d’une poussée généralisée de la classe ouvrière allemande, qui avait été profondément démoralisée par la défaite du mouvement anti-Harz IV. Ces réformes du droit du travail ont été instaurées par le chancelier social-démocrate Schröder dans les années 2000. Véritables plans d’austérité avant l’heure, elles ont contribué ã massifier la précarité au travail et ã supprimer un nombre important d’acquis sociaux.

De par ses revendications (contre le recours à l’intérim et pour l’embauche des intérimaires), cette grève témoigne aussi d’une montée de la subjectivité dans les secteurs des services autour de la question de la précarité au travail qui devient un mot d’ordre rassembleur. Elle est en cela ã rapprocher de la grève anti-précarité emblématique de l’entreprise sous-traitante des hôpitaux de la Charité ã Berlin qui a duré treize semaines de septembre ã décembre 2011 [6]. Lutter contre la précarité, c’est aussi affirmer sa dignité. En ces temps low-cost de promiscuité généralisée (rentabilisation de l’espace cabine oblige), c’est l’ensemble des conditions de travail des stewards et hôtesses qui se dégradent. Ils sont sans cesse agressés et pris ã parti par des passagers et les droits les plus élémentaires leurs sont refusés.

Aussi, la position de force de l’économie allemande, en pleine crise européenne, se fait sur le dos des travailleurs allemands, dont le destin est intimement lié ã celui de leurs voisins européens [7].

L’arrogance de l’impérialisme allemand repose sur l’exploitation croissante du salariat et le développement de la précarité qui divise et affaiblit le prolétariat allemand dans son ensemble. Sur les mêmes chaines de production, dans la même cabine, l’écart de rémunération entre intérimaire et salarié en CDI peut facilement être de 1 ã 3. La prise de conscience de ce qu’est la précarité, c’est-à-dire une stratégie de division, d’écrasement et d’humiliation des travailleurs, est un ressort essentiel qui pourrait préfigurer une montée généralisée de la classe ouvrière allemande [8].

 

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