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La plus grande grève au Brésil depuis près de dix ans
par : Clarissa Menezes , LER-QI, Brasil

20 Aug 2012 | Le Brésil est secoué par la plus grande grève de fonctionnaires de l’Etat fédéral depuis 2003. Avec plus de trente secteurs impliqués dans le mouvement, ce sont près de 350.000 fonctionnaires qui sont concernés.

Par Clarissa Menezes

Le Brésil est secoué par la plus grande grève de fonctionnaires de l’Etat fédéral depuis 2003. Avec plus de trente secteurs impliqués dans le mouvement, ce sont près de 350.000 fonctionnaires qui sont concernés. Nous reproduisons ci-dessous un article de Clarissa Menezes, étudiante de l’Université Fédérale de Rio de Janeiro et travailleuse précaire dans la recherche publique (Fiocruz), publié dans le dernier numéro du journal de nos camarades brésiliens de la LER-QI, Palavra Operária [1].

Un combat qui nous prépare pour affronter les futurs plans d’ajustement

L’opposition très grande du gouvernement à l’égard des grévistes ne s’explique pas seulement en raison de l’impact de ceux-ci sur certains secteurs stratégiques de l’économie du pays. On pensera par exemple à la grève des travailleurs de l’Agence de veille sanitaire (ANVISA) qui a un impact direct sur l’activité portuaire ou aéroportuaire, au mouvement des travailleurs du ministère des finances (« Receita Federal ») ou encore du ministère de l’Agriculture. L’opposition du gouvernement de Dilma Rousseff du Parti des Travailleurs (PT) s’explique également par les plans d’ajustement qui se trament en coulisse.

On estime que près d’une trentaine de secteurs sont actuellement en grève, ce qui représente environ 350.000 grévistes. Le mouvement va des enseignants et personnels techniques et administratifs des universités et des instituts fédéraux, souvent soutenus par les étudiants, aux travailleurs de l’Incra (Institut National de la Réforme agraire), du secteur de la Santé (Funasa, Fiocruz, ANS, Anvisa, DataSUS, Hôpitaux Fédéraux, etc.), de la Sécurité sociale, de la Funai (Fondation Nationale de l’Indien), de l’Agence Nationale du Pétrole, de l’Anatel (télécommunications), en passant par ceux de l’Ancine (Agence Nationale du Cinéma), etc.

Afin de justifier sa charge contre le droit de grève le gouvernement de Dilma Rousseff évoque les salaires soi-disant élevés des fonctionnaires. Une chose est sure : ce n’est certainement pas en rognant sur les acquis sociaux des fonctionnaires que l’ensemble de la classe ouvrière réussira ã avancer et ã faire valoir ses droits. Revendiquer, à l’inverse, l’extension de tous ces acquis à l’ensemble du monde du travail, ã commencer par las travailleurs précaires et en CDD employés au sein de l’administration fédérale, permettrait de démasquer le discours du PT. L’ensemble du monde du travail doit de plus être conscient que l’attaque au droit de grève lancée par le gouvernement pourrait se retourner demain contre les mouvements salariaux dans d’autres secteurs de l’administration, comme la poste, la Banque du Brésil, Caixa Econômica ou Pétrobrás, ou du secteur privé. Une défaite de la grève actuelle des fonctionnaires serait autant de gagner pour le gouvernement Rousseff et la bourgeoisie afin de mettre en place la réforme syndicale et des retraites que le gouvernement du PT a annoncé pour après les prochaines élections locales [2]. C’est pourquoi l’ensemble du monde du travail doit faire entendre un seul et même cri : « funcionalismo somos todos nós », « nous sommes toutes et tous des fonctionnaires » [3].

Quels sont les obstacles ã ce que cette grève devienne une grande grève politique nationale ?

Les directions syndicales majoritaires de la CUT (la plus grande centrale syndicale du pays, liée au PT) et de la CTB (liée au PCdoB) ont pris position contre les mesures prises par le gouvernement Rousseff. Des syndicalistes de la CUT ont même sifflé Gilberto Carvalho, le ministre en chef du secrétariat de la Présidence [équivalent du Premier ministre]. Les travailleurs fédéraux ne doivent pas oublier que ce sont ces mêmes syndicalistes qui, il y a moins de dix ans, ont appuyé Lula dans son offensive contre les travailleurs du service public en 2003.

La grève actuelle est en réalité beaucoup plus une grève concomitante de différentes catégories de travailleurs dépendant de l’Etat fédéral qu’une véritable grève nationale unifiée. Si c’était l’objectif de la CUT, cela ferait longtemps que la centrale aurait appelé ã une Rencontre nationale de l’ensemble des travailleurs en lutte, qu’elle se serait opposée à l’abandon de la grève par le syndicat des enseignants du supérieur (Proifes), ou qu’elle aurait appelé son syndicat le plus puissant, celui des métallos de l’ABC, le cordon industriel de Sao Paulo, ã se solidariser avec la grève. Il n’en est rien. Par-delà les sifflets et les frictions avec Carvalho, le gouvernement de Rousseff continue ã être défendu par la CUT comme « son » gouvernement.

Le rôle du PSOL et du PSTU (les deux principales organisations de l’extrême gauche brésilienne) est d’autant plus réduit qu’en raison du nombre de secteurs en lutte, le poids de la CUT et de la CTB dans les négociations avec le gouvernement est élevé. Cela n’explique en aucun cas cependant pourquoi dans des villes importantes comme Rio de Janeiro, Niteroi ou Sao Paulo, les courants syndicaux liés à la gauche radicale, en l’occurrence le CSP-Conlutas et les Intersindicales, n’aient même pas été à l’initiative d’une coordination élémentaire des secteurs en lutte, par-delà les rassemblements unitaires qui ont eu lieu.

Cela s’explique dans la mesure où ces courants veulent se maintenir au même niveau de revendications économiques que la CUT et ne pas sortir des clous fixés par la plus grosse centrale syndicale. La seule façon de renverser cette situation, ce serait en coordonnant les différents secteurs en lutte. Ce serait la seule façon pour faire pression sur la bureaucratie syndicale et montrer de façon très claire la force et la puissance de la grève. Cela permettrait également au mouvement étudiant de participer de façon beaucoup plus active à la grève des personnels enseignants, techniques et administratifs des universités.

Une telle coordination permettrait au gros des travailleurs de l’Exécutif fédéral mobilisés aux côtés des travailleurs de la Santé, de l’Education ou de l’IBGE [équivalent brésilien de l’INSEE], d’avoir une politique coordonnée afin de créer un rapport de force bien différent avec le gouvernement. Dans leur ensemble, ces travailleurs en lutte auraient la possibilité de montrer au reste du monde du travail brésilien là où se trouvent les vraies injustices de cette société, comment il serait possible d’améliorer réellement le système public de Santé, dénoncer les profits qui se font sur le dos de la population dans le cadre des « plans Santé » (ANS), comment il serait possible de mettre la recherche publique au service de la population et non pas des entreprises pharmaceutiques, etc.

Cela n’a pas lieu avant tout en raison de la politique de la bureaucratie syndicale bien entendu mais également parce que les syndicats dirigés par la gauche antigouvernementale maintient la mobilisation exactement dans les mêmes cadres que ceux fixés par la CUT et la CTB. Il est encore temps cependant pour regrouper l’ensemble des secteurs les plus avancés dans les grandes villes du pays et d’essayer de construire, sur cette base, une grève réellement nationale. Des rencontres au niveau municipal de délégués de base, [dans des villes comme Rio ou Sao Paulo] pourraient permettre de construire une Rencontre au niveau national de l’ensemble des fonctionnaires mobilisés mais également des autres secteurs en lutte comme les métallos de General Motors ainsi que d’autres usines du secteur automobile [4] ou des travailleurs précaires du BTP. A l’appel de la CSP-Conlutas et des Intersindicales, cela permettrait de mettre en difficulté la bureaucratie syndicale et exiger d’elle qu’elle rompe tous ses accords avec le gouvernement et qu’elle mette toute sa force dans la balance pour contrer les attaques.

Nous appelons en ce sens CSP-Conlutas et les Intersindicales ã reprendre cette orientation afin de mettre en place dès que possible des coordinations au niveau municipal et dans chaque Etat afin de mettre sur pied une Rencontre nationale de tous les secteurs en lutte, sur la base des Assemblées générales de secteur et de leurs délégués.

Il faut que la grève des travailleurs du secteur public soit victorieuse !

Pour le droit de grève ! Non au décompte des jours de grève ! Non à la substitution des grévistes par des briseurs de grève !

Pour la mise en place de toute urgence de coordinations municipales et au niveau de chaque Etat, sur la base de délégués, afin d’unifier les différents mouvements en une grande grève commune des travailleurs du secteur public fédéral !

14/08/12

Traduit par CCR4

 

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