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La grève des conducteurs de la Deutsche Bahn
par : Marcelo Torres

31 Oct 2007 |

La grève des conducteurs des Chemins de fer allemands (Deutsche Bahn) à l’appel du GDL [1] est une grande première en Allemagne. Le pays de Merkel est en effet un des plus stables en Europe du point de vue de la conflictualité sociale et le pourcentage de jours de travail perdus pour grève est le plus bas sur le continent. Les roulants de la Deutsche Bahn exigent une augmentation de salaire de 31% ainsi qu’une réduction du volume de travail hebdomadaire (de 41 heures ã 40) ainsi que l’instauration d’une convention collective spécifique à la catégorie.

Cette grève a lieu dans un contexte de croissance économique en Allemagne où le coût du travail a été drastiquement redimensionné par le biais de lois anti-ouvrières adoptées sous le gouvernement de Schröder de la coalition Rouge et Verte (SPD et Verts). C’est ainsi que l’Allemagne a réussi, du point de vue macroéconomique, ã sortir son épingle du jeu alors que le reste de l’Europe se languissait dans une croissance molle. C’est également ainsi que le processus de privatisation de la Deutsche Bahn a pu avancer, même s’il s’agit aujourd’hui d’une société par actions contrôlée par l’Etat.

Mais la combinaison cette avalanche de mesures anti-ouvrières et de conjoncture économique favorable ont donné lieu également ã une relative recomposition du prolétariat en Allemagne. En 2007, avec un demi-million de jours de grèves, les travailleurs en Allemagne se sont davantage mobilisés qu’en 2006 (430.000 jours perdus) ou en 2005, et ce notamment ã travers une série de mobilisations ayant pour objet des revendications économiques [2].

La grève des conducteurs est exemplaire dans la mesure où, au-delà des revendications des roulants que le patronat qualifie d’irréalistes et non-négociables, cette mobilisation constitue un point d’inflexion dans la lutte de classes en Allemagne. Tout d’abord parce qu’il s’agit d’une grève offensive d’un secteur clef du prolétariat allemand, à la différence de la dernière grande grève sauvage des ouvriers de l’automobile d’Opel Bochum en octobre 2004. Bien que la grève actuelle rentre dans le schéma des négociations entre syndicat et patronat, il déborde ce cadre en raison des revendications des grévistes. Ces revendications sont d’autant plus radicales si l’on tient compte des habitudes d’un prolétariat habitué et obligé ã négocier par le biais des médiations ouvrières traditionnelles, les syndicats, qui sont généralement surtout préoccupés par la préservation de leur main mise sur le système de cogestion patronal. En troisième lieu, la grève actuel voit pour protagonistes un des secteurs clef du prolétariat pour l’organisation de l’économie capitaliste.

Il n’est pas sans intérêt de rappeler effectivement qu’en Allemagne, comme dans la plupart des pays impérialistes de première importance, la production et la circulation des marchandises des principaux secteurs de l’économie du pays comme la production automobile, la chimie, le secteur mécanique, repose sur un schéma extrêmement efficace de circulation des marchandises, des pièces et de la matière première. La paralysie du réseau ferroviaire a par conséquent un impact d’autant plus fort sur l’ensemble de l’économie allemande. C’est pour cela que la bourgeoisie allemande est aussi inquiète de la portée de la grève et des conséquences économiques qu’une mobilisation sur la durée pourrait avoir. Plus encore, le patronat craint que la mobilisation des conducteurs puisse créer un précédent pour le reste du prolétariat en Allemagne qui pourrait commencer ã son tour ã remettre en cause la politique d’austérité salariale négociée par les syndicats mais également commencer ã s’organiser en syndicats combatifs en marge des grandes confédérations.

La bureaucratie syndicale et la ras-le-bol de la base

La grève du vendredi 13 octobre a été un succès réel en dépit de la campagne médiatique orchestrée afin de criminaliser le mouvement et délégitimer les revendications ouvrières, et ce avec l’aval de la justice. Le tribunal de Chemnitz a émis une sentence restreignant le droit de grève sur le réseau longue distance et le secteur fret. Malgré cela, prés de la moitié des trains n’a pas circulé ce jour-là alors que dans certaines régions la grève était totale. Dans cette situation, un certain nombre de conducteurs jusque-là affiliés ã Transnet sont passés au GDL qui organise déjà prés de 80% des roulants de la Deutsche Bahn.

Malgré ce succès et comme il fallait s’y attendre, la bureaucratie du GDL persiste ã défendre une ligne syndicale routinière consistant ã faire pression sur la direction de l’entreprise pour s’asseoir à la table des négociations immédiatement après. Alors que jusqu’à présent cette stratégie, démobilisatrice sur le long terme, avait rendu de fiers services au patronat, il semblerait que ce genre de manœuvre de la bureaucratie syndicale ne rende pas aussi facilement ses fruits. Les travailleurs en ont assez de voir leur salaire fondre sous le coup de l’inflation et de la politique de modération salariale qu’impose le patronat avec la complicité de la bureaucratie syndicale. Comme le remarquait il y a peu le principal dirigeant de Transnet Norbert Hansen, « la seule certitude c’est que la direction du GDL n’est plus maître de la situation ».

Face à la pression patronale et la pression de la base, la direction du GDL s’est vu obligée de maintenir une position ferme sans pour autant fermer complètement tous les canaux de dialogue avec le patronat. C’est ainsi que profitant de l’ouverture patronale, que la direction du GDL a cependant qualifié « d’insuffisante », des négociations ont été entamée avec la direction de la Deutsche Bahn et que le mouvement a été suspendu jusqu’au jeudi 18. Se faisant l’écho de la propagande médiatique, le leader du GDL Manfred Schell, ancien parlementaire démocrate-chrétien et membre de la CDU, a affirmé que si les négociations ne débouchent sur rien de concret, il pourrait ã nouveau y avoir grève mais que face à la possibilité que le « GDL perde la sympathie des usagers des chemins de fer », il ne faudrait pas non plus que les roulant passent pour des « grévistes furieux » et intransigeants. C’est mal connaître l’opinion publique allemande qui appuie les revendications des grévistes malgré la campagne médiatique qui peint un panorama apocalyptique et parle de pertes d’emploi en Allemagne en cas de nouveau mouvement.

Le résultat du mouvement, alors que nous bouclons cet article, est encore ouvert. Si les travailleurs imposent leur volonté, ils l’auront fait en tout cas y compris contre la volonté de leurs propres dirigeants, et cela pourrait annoncer une nouvelle conjoncture pour la lutte de classes en Allemagne.

 

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