FT-CI

Evo Morales fait face ã une des crises sociales les plus importantes de sa présidence

Vive la lutte des travailleurs boliviens de la santé et la grève générale de la COB !

17/05/2012

Par LOR-CI

Après 45 jours de grèves des travailleuses et travailleurs de la Santé, le gouvernement d’Evo Morales a promis de suspendre le décret présidentiel n°1126 qui prévoyait de faire passer la journée de travail de 6 ã 8 heures dans le secteur de la Santé, promesse qui n’a pas suffi ã enrayer le conflit. Les travailleurs de la Santé réclament l’abrogation pure et simple du décret. Cette lutte, à laquelle participent les étudiants en Médecine des principales universités du pays, s’insère dans le climat social extrêmement conflictuel que connaît la Bolivie depuis quelques semaines.

Il suffit de songer à la grève générale de 48 heures de la Centrale Ouvrière Bolivienne (COB) [1], aux mobilisations importantes des travailleurs des mines ainsi qu’au départ de la nouvelle marche des peuples originaires du TIPNIS contre le projet de référendum ã travers lequel Morales veut imposer la construction d’une autoroute sur leur territoire [2]. La semaine qui commence sera ã nouveau émaillée de grèves et de mobilisations qui reflètent une des crises sociales et politiques les plus importantes de ces dernières années pour le gouvernement du Mouvement vers le Socialisme (MAS) et de Evo Morales. Nous publions ci-dessous des extraits de la déclaration conjointe de la Ligue Ouvrière Révolutionnaire pour la Quatrième Internationale (www.lorci.org), section bolivienne de la FT-QI (www.ft-ci.org), et de camarades marxistes révolutionnaires de Cochabamba.

Mercredi 9 mai a débuté la grève de 72 heures décrétée par la COB, qui exige l’abrogation du décret n°1126 ainsi qu’une augmentation des salaires supérieure aux 8% que le gouvernement a accordé le 1er mai. A cette grève se sont associés les étudiants et les différentes universités du pays, les enseignants ainsi que les indigènes qui participent à la IX° Marche en défense du TIPNIS. Les patients ont également fait montre, au cours des dernières semaines, d’une grande solidarité à l’égard des travailleurs de la Santé. Ils exigent du gouvernement qu’il accède à leurs revendications.

De leur côté, le MAS ainsi que le vice-président Álvaro García Linera ont fait appel aux paysans producteurs de coca [« cocaleros »] et aux mouvements qui leur sont liés afin qu’ils se mobilisent contre les revendications ouvrières et populaires légitimes portées par les mouvements sociaux ces dernières semaines. Il s’agit d’une véritable campagne gouvernementale contre les secteurs sociaux en lutte, qui s’est déjà traduite par plus d’une centaines de licenciements pour faits de grève dans la Santé ainsi que des dizaines de plaintes contre les grévistes, tentative du pouvoir de donner une leçon aux travailleurs et étudiants en lutte.

Vive la lutte des travailleurs de la Santé ! Ni avec la droite raciste, ni avec le gouvernement qui attaque les travailleurs !

Le MAS a lancé une campagne de criminalisation des mouvements sociaux. Il affirme en effet que la Constitution garantie l’égalité de droits pour l’ensemble des citoyens du pays. C’est pour quoi il entend en finir avec les « privilèges » des travailleurs de la Santé qui ne font qu’une journée de 6 heures, contre 8 pour le reste du salariat. Ce que le gouvernement ne dit pas, c’est que les travailleurs de la santé sont tout ã fait disposés ã travailler le temps nécessaire pour mener ã bien leur mission, mais qu’ils exigent d’être inclus, comme le reste des salariés sans « privilèges », dans la Loi Générale du Travail.

Le MAS s’oppose ã cette revendication. Le gouvernement démontre ainsi que son décret fait partie d’un plan d’offensive plus général contre le monde du travail. Si l’attaque contre les travailleurs de la Santé passe, ce sera une brèche pour de nouvelles attaques contre le monde du travail et en faveur d’une plus grande marchandisation de la Santé publique. Le gouvernement du MAS travaille en association étroite avec les multinationales et avec les banquiers, qui ont augmenté de 30% leurs bénéfices au cours de ces cinq dernières années, comme le souligne même la presse pro-gouvernementale comme Cambio ou La Razón. Il travaille aussi bien entendu avec un patronat qui, dans l’industrie textile, bijoutière ou les services par exemple, continue ã faire travailler les salariés dans des conditions effroyables.

Malheureusement, avec ses déclarations ambigües, la bureaucratie syndicale des travailleurs de la santé ne renforce pas la lutte. Au contraire, elle fait des appels du pied aux partis bourgeois comme la Unión Nacional [de l’industriel Doria Medina] ou le Movimiento Sin Miedo [de del Granado, ancien maire de la capitale et ancien allié de Morales].

La LOR-CI réaffirme que pour renforcer ce conflit, il faut se séparer clairement de tous les secteurs pro-patronaux qui veulent ã nouveau instrumentaliser les travailleurs [dans leur lutte politique contre le gouvernement « de gauche »]. Il faut combattre, dans les grèves et les manifestations, tous les opportunistes et tous les arrivistes.

Vers une grève générale prolongée ? Pour une grève nationale des mineurs !

Le gouvernement a déjà déclaré qu’il n’entendait aucunement abroger le décret. La « suspension » du décret n°1126 n’est qu’une manœuvre pour gagner du temps et ressortir par la suite cette mesure antipopulaire.

Si le gouvernement poursuivait dans cette voie, la COB a convoqué un Sommet Ouvrier National pour les 14 et 15 mai ã Oruro afin de définir une orientation. Il est fondamental que ce sommet s’organise et se prépare comme une étape d’un véritable plan de lutte, avec une grève des mineurs généralisée. Ce serait un exemple et une incitation pour les travailleurs de l’industrie et des services, et cela mettrait ã nouveau la classe ouvrière à la tête de nos revendications, qui ne sont pas seulement ouvrières mais aussi populaires et indigènes, comme le pose la IXème Marche du TIPNIS.

Le Sommet Ouvrier doit mettre sur pied un Parti des Travailleurs basé sur la COB

C’est au cours de la dernière réunion de direction élargie de la COB que la décision d’appeler ã ce Sommet a été prise. Ce Sommet ne sera pas seulement un sommet des confédérations et des fédérations affiliés à la COB mais réunira également d’autres mouvements sociaux. Le problème pour l’instant, c’est que ce Sommet n’a pas été préparé à la base, ã travers des assemblées ã même d’élire des délégués révocables, dotés d’un mandat. Plus grave encore, dans certains secteurs du monde syndical, on n’est pas encore au courant de cette date. C’est là une des grandes faiblesses de ce Sommet, alors que celui-ci pourrait être un point d’appui fondamental pour poser les termes de l’offensive ã mener contre le gouvernement du MAS, grâce à la présence de l’ensemble des secteurs sociaux actuellement mobilisés.

Ce Sommet doit affirmer clairement qu’il n’y aura aucun « plan de relance de l’économie nationale » – revendication de la direction de la COB – si l’on expulse pas les multinationales du pays, et cela sans indemnisation et sous contrôle collectif des travailleurs sur toutes les entreprises [ à la différence de ce qui s’est fait avec le décret de nationalisation avec rachat de l’entreprise espagnole de transport d’énergie TDE le 1er mai]. Il est de même nécessaire d’exiger l’abolition du budget ministériel consacré aux forces de répression, pour mettre cet argent au service d’une éducation et d’une santé ouvrières, paysannes, indigènes et populaires. Les banquiers amassent des fortunes. Pourquoi le MAS les protège-t-il ? Il faut exiger une imposition progressive sur les grandes fortunes, et notamment sur les banquiers et les gros entrepreneurs. Une fois encore, c’est seulement ã travers une orientation radicale d’indépendance de classe, c’est-à-dire anti-patronale, qu’il nous sera possible de vaincre.

Il est clair, pas seulement aujourd’hui mais depuis la vague de grève ouvrière de 2010 [connue en Bolivie sous le nom de « rebelión fabril ») que la lutte que nous avons ã mener est politique et que les travailleurs ont besoin d’un outil d’action politique comme point d’appui à leurs mobilisations et à leurs luttes. Le Sommet doit donc mettre sur pied de façon immédiate la commission politique en charge d’organiser l’instrument politique de la COB, le Parti des Travailleurs, qui sera une alternative tant aux partis bourgeois, qui cherchent ã instrumentaliser les luttes ouvrières, indigènes et populaires, qu’au MAS, qui a montré comment il savait être le garant des intérêts de la bourgeoisie nationale bolivienne. C’est uniquement de cette façon que la question de l’indépendance politique des travailleurs cessera d’être une formule utilisée les jours de fête, ou lors des congrès ou des réunions de direction élargie de la COB. C’est seulement ainsi que cette perspective se transformera en une véritable arme de combat pour les intérêts ouvriers et populaires et contre ceux des classes dominantes, aujourd’hui protégées par le MAS.

 Pour l’arrêt des poursuites contre les travailleurs et les étudiants en lutte !

 Pour la réintégration immédiate de tous les travailleurs de la Santé licenciés des hôpitaux pour fait de grève !

 De l’argent pour augmenter les salaires, il y en a ! Pour une imposition progressive sur les grandes fortunes, les banquiers et les gros entrepreneurs !

 A bas le décret n°1126 !!!

 Vive la Marche du TIPNIS, ã bas la loi n°222 !

 Pour un Instrument Politique des Travailleurs et de la COB !

09/05/12

  • NOTAS
    ADICIONALES
  • [1La COB est le puissant syndicat ouvrier du pays, fondé il y a soixante ans, à la suite de la Révolution d’avril 1952. Il a un temps été un des soutiens du gouvernement du MAS. L’ensemble des notes sont de la Rédaction.

    [2Entre août et septembre, après deux longs mois de lutte et de mobilisations, les paysans des communautés indigènes du TIPNIS (Territorio Indígena y Parque Nacional Isiboro – Secure) dans le Nord-est de la Bolivie, sur le piémont andin, ont réussi ã faire reculer le gouvernement du MAS. Morales voulait construire une autoroute entre Villa Tunari et San Ignacio de Moxos, ce qui revenait ã éventrer de part en part le territoire indigène, pour le plus grand intérêt du patronat impérialiste et régional, notamment brésilien. La mobilisation, aujourd’hui, reprend, puisque le gouvernement entend poursuivre le projet après plusieurs mois de suspension. A ce sujet, voir M. Barois, « Mobilisation indigène en Bolivie. Double défaite pour Evo Morales et son gouvernement », 28/10/11

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