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Après les attentats et la manifestation historique du 11 janvier

Une bouffée d’oxygène pour Hollande et la Cinquième République. Jusqu’à quand ?

13/01/2015

Une bouffée d’oxygène pour Hollande et la Cinquième République. Jusqu’à quand ?

L’attentat contre Charlie Hebdo et la prise d’otage antisémite du supermarché casher de Porte de Vincennes auxquels ont répondu les immenses mobilisations républicaines du week-end ont permis un retour en force de Hollande sur le devant de la scène politique. En quelques jours, la conjoncture a été profondément modifiée. Reste ã savoir si cette situation va se consolider.

Hollande a dû affronter ces derniers jours la crise la plus grave depuis le début de son quinquennat et l’Elysée. Et, pour la plupart des analystes, il a réalisé un sans fautes. La situation en tant que telle renforce deux des aspects les plus mis en cause de la personnalité de Hollande depuis son arrivée au pouvoir, ã savoir son autorité et sa carrure présidentielle. Avec la manifestation parisienne de dimanche, Hollande a également voulu retisser un lien fort avec « le peuple de gauche » qui l’avait choisi, par défaut plus que par adhésion, face ã Nicolas Sarkozy, au second tour de la présidentielle, en 2012. Enfin, alors que la position de la France a reculé, ces dernières années, sur l’échiquier international, la présence de plus de quarante chefs d’Etat et de gouvernement a renforcé l’idée d’une nouvelle centralité de Paris au niveau géopolitique.

La formule post attentats selon Hollande : autorité, peuple de gauche, et Paris-capitale-du-monde

Pour ce qui est de la réaffirmation de sa stature présidentielle, Hollande s’est ainsi rendu sur les lieux de l’attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo, a fait montre d’un suivi permanent de la « traque » contre les suspects des attaques et ses deux discours présidentiels ont été suivi par plus de 20 millions de téléspectateurs. Parallèlement, aucun couac ne s’est fait entendre au sein du gouvernement qui s’est rangé comme un seul homme derrière le chef d’Etat. Le caractère dramatique de la crise a gommé, en quelques jours, l’image hésitante d’un Exécutif en mal d’autorité, tant vis-à-vis de son gouvernement que de sa propre majorité, qui collait au président ces derniers mois.

Au niveau de son rapport avec « le peuple de gauche », Hollande a réussi ã remiser l’image de froideur et de distance qui avait pu le caractériser. Ni « sans dents » ni distance, en communiant avec les familles des victimes, en serrant dans ses bras l’urgentiste Patrick Pelloux, proche de l’équipe de Charlie Hebdo qui a survécu à l’attaque, Hollande a rempli son pari médiatique. Il l’a fait également à l’égard de la foule compacte qui s’est pressée à la manifestation de dimanche, une foule composite, davantage représentative de la base électorale et sociale du PS que du monde du travail, mélange de classe moyenne et de salarié-e-s, posée en héritière des principaux symboles de la vieille gauche réformiste, allant des références à la République à la laïcité en passant par la liberté d’expression.

Sur le troisième point, la présence, décidée au fil des heures, des principaux dirigeants européens et internationaux ont renforcé un Hollande qui a enfilé pour la première fois les habits gaulliens d’un président de la Vème République ã stature internationale. « Aujourd’hui, Paris est la capitale du monde » : la déclaration élyséenne a été reprise en boucle par les principaux médias du monde entier (voir notre déclaration : « Carton plein. Et en plus il y aura Netanyahou », http://www.ccr4.org/Et-en-plus-il-y...).

Changement de décor

Ce renforcement de la figure présidentielle modifie profondément le panorama politique. L’échiquier hexagonal était caractérisé, jusqu’à présent, d’une part, par une crise du bipartisme PS-UMP s’étant exprimé de façon assez paradigmatique ã travers les scores du FN aux dernières européennes, et, de l’autre, par un niveau de popularité extrêmement bas de Hollande, maillon faible non seulement de son propre mandat mais également du régime en tant que tel face ã une crise éventuelle. Néanmoins, le caractère ultra-réactionnaire des attentats, le premier orchestré contre des journalistes et par là contre la liberté d’expression, le second ã caractère ouvertement antisémite, ainsi que la gestion de la crise par l’Elysée et l’instrumentalisation de l’indignation généralisée de l’opinion publique ont joué en faveur de Hollande.

Un certain nombre de zones d’ombre, sur le plan politique, se sont ainsi clarifiées. Il est peu probable, aujourd’hui, que soient organisée des primaires ã gauche et que Hollande ne soient pas en mesure de se présenter en 2017, ce qui était encore absolument incertain il y a peu. Ce ne sont pas seulement les ambitions de Manuel Valls qui ont été redimensionnées à la baisse, mais également l’opposition internes des « frondeurs » et les velléités d’une Martine Aubry de se poser en cheffe de file alternative au sein de la majorité.

La situation laisse ainsi le champ libre, pour l’heure, ã une avancée plus facile que prévue sur le terrain des contre-réformes. Du côté du projet de Loi Macron, soumis à la discussion au Parlement ã partir de cette semaine, le panorama est beaucoup plus dégagé pour faire passer l’ensemble, ou la quasi-totalité, de ce que recèle la loi. L’unité nationale réactionnaire à laquelle se sont pliées l’ensemble des directions syndicales désavantagent ces dernières qui pensaient, avec l’appui des frondeurs, arracher quelques modifications minimes au cadre législatif et, de cette façon, faire mine de sauver la face.

Du côté de l’Etat et du régime

Le renforcement de Hollande concerne également l’ensemble du régime Vème républicain. Jusqu’à il y a peu, le centre bourgeois composé par le PS et l’UMP perdait du terrain face ã une extrême droite en voie de dédiabolisation et « républicanisée ». La mobilisation historique du 11 janvier met un coup de frein à la poussée frontiste, du moins ã court terme. Bien qu’il ne soit pas exclu que le FN puisse capitaliser la situation lors des élections cantonales du mois de mars, l’avancée frontiste, qui cherchait ã gagner en respectabilité, est entravée par le fait que Marine Le Pen, en dernière instance, n’a pas été invitée à la Manif républicaine parisienne d’unité nationale. On peut en voir la preuve dans le traitement médiatique du FN, jusqu’à présent largement complaisant de la part des médias. C’est ainsi que lors de la matinale d’Europe 1, les journalistes n’ont pas hésité ã tacler l’héritière du camp Le Pen en lui demandant si elle « n’avait pas honte ». Le caractère même des mobilisations du week-end, par ailleurs, renforcent les valeurs bourgeoises républicaines, plus que les tendances à la fascisation du jeu politique. Malgré une analyse un peu simpliste présente au sein d’une fraction de l’extrême gauche qui se focalise sur l’intensification des tendances racistes et islamophobes, bien réelles, au sein de la société, avec la multiplication, par exemple, des attentats contre les mosquées et lieux de culte musulmans, c’est avant tout le régime républicain bourgeois et son racisme d’Etat qui est renforcé.

Pour le monde du travail, c’est une mauvaise nouvelle. En effet, depuis les grève de mai-juin 1936 jusqu’aux mobilisations de Mai 68, la plus grande grève du mouvement ouvrier occidental au XXème siècle, les principaux moments de lutte de classe dans l’histoire hexagonale ont été canalisés et pacifiés non seulement par le biais de la collaboration des organisations contre-révolutionnaires du mouvement ouvrier, ã commencer par le PCF, mais également ã travers les mécanismes démocratiques-bourgeois républicains, ã commencer par l’appel aux urnes en 1968.

L’autre grand gagnant de la situation n’est autre que les forces de répression. Piliers de l’Etat bourgeois, les CRS ont été, ce week-end, les héros des médias, à l’instar des pompiers new-yorkais après le 11 septembre 2001. Loin des invectives et des insultes classiques des manifestations, gendarmerie et CRS ne sont plus SS, mais acclamés en marge des cortèges. Les mêmes CRS qui assurent la répression des mobilisations, qui sont responsables du meurtre de Rémi Fraisse et mènent, au quotidien, la chasse aux Rroms et aux sans-papiers.

Ce renforcement du régime Vème républicain, pourtant passablement écorné, se fait sur le terrain idéologique de la droite et de l’extrême droite, ã commencer par les questions sécuritaires. Certes, Valls s’oppose à l’adoption d’un « Patriot Act » à la française, de même que l’UMP a rejeté la proposition lepéniste de rétablissement de la peine de mort. Néanmoins, la bonapartisation républicaine du régime se renforce. On en voit la preuve dans le maintien du Plan Vigipirate au niveau « alerte attentats » en Ile-de-France ou dans le fait que Jean-Yves Le Drian puisse se féliciter du fait que l’armée déployée sur le territoire nationale mène une opération d’envergure similaire aux « Opex » de la France dans son arrière-cour françafricaine. Ce ã quoi s’ajoutent les mesures liberticides qui se profilent et qui sont réclamées, ã cors et ã cris, par l’ensemble des syndicats de police ã qui les médias ont généreusement cédé l’antenne ces derniers jours.

Un tournant réactionnaire qui n’est pas encore consolidé

Il est encore trop tôt pour dire si cette conjoncture va se traduire par des avancées qualitatives, au profit de la bourgeoisie, dans le rapport de force politique et social, et pour savoir jusqu’à quel point elle va perdurer. Tout le monde a encore à l’esprit comment le néo-bonapartisme d’un George Bush a fini par sombré en Irak, au début de l’année 2004, lorsque l’administration républicaine a voulu aller bien au-delà de ce que pouvait véritablement permettre le rapport de force, en recolonisant un pays. La France, qui compte sur des capacités militaires bien moindres que les Etats-Unis, se trouve d’ores et déjà surdéployée sur des nombreux théâtres d’opération à l’échelle internationale.Sur un plan interne, par ailleurs, les traditions de lutte et démocratiques du monde du travail sont aujourd’hui plus développées, dans l’Hexagone, qu’aux Etats-Unis en 2001. C’est cette richesse qu’il faut mobiliser pour empêcher la consolidation du tournant réactionnaire du régime.

La bourgeoisie française et son personnel politique doit, par ailleurs, faire face ã d’importantes difficultés structurelles, tant sur le plan économique que du point de vue de la société, ã travers ce qui est appelé par les médias « la question de l’immigration ». Il s’agit, en réalité, de l’expression actuelle générale de la mondialisation capitaliste et de l’existence d’Etat-nations, ce qui génère d’énormes contradictions et de problèmes en terme de stabilité sociale, non seulement en France mais, plus largement, ã échelle européenne. Ces difficultés se traduisent par un renforcement des tendances nationalistes, souverainistes et chauvines, qui n’exprime pas directement les intérêts du capital le plus fort et le plus concentré, tout en lui servant du fait de la division qu’il instaure entre les exploité-e-s. L’autorité bruxelloise apparaît ainsi comme de plus en plus discutée, et certains acquis, pour la bourgeoisie, à l’instar du Traité de Schengen, sont remis en cause.

C’est pour l’ensemble de ces raisons que nous avons parlé de « tentative de résurrection sénile du Front républicain » (http://www.ccr4.org/Le-Front-republ...). C’est en ce sens qu’il est plus que probable que cette « restauration » hollandiste et de la Vème République sera de moindre portée que ce qu’a pu signifier, en 2002, la victoire de Jacques Chirac face ã Jean-Marie Le Pen après le 21 avril. La chiraquie avait d’ailleurs elle-même rapidement fait face ã des difficultés accrues et s’était vue obligée de reculer sur le CPE, pavant ainsi la voie à l’alternative bonapartiste d’un Sarkozy.

Continuent donc de primer les tendances à la polarisation, malgré la tentative relativement réussie de Hollande et Angela Merkel. S’ils se sont offerts un bain de foule dominical dans les rues de Paris, et essayent de remettre ã flot l’européisme, ils se heurtent néanmoins ã un certain euroscepticisme généralisé, ou presque, alors que l’édifice de l’UE va devoir faire face, dans les prochains jours, ã une relance de l’interminable crise grecque.

Combattre le virage réactionnaire et liberticide

Dans un premier temps, le contexte sera plus adverse pour les luttes face ã un régime et ã un Etat renforcés et dans le cadre d’un climat d’unité national qui pourrait perdurer. Empêcher que ce tournant réactionnaire ne se consolide et que le racisme institutionnel, l’extrême droite, l’islamophobie et l’antisémitisme, ne contribuent ã fragmenter ultérieurement le monde du travail et la jeunesse, tout cela constitue une tâche urgente à laquelle doivent faire face les organisations du mouvement ouvrier, ã commencer par l’extrême gauche. Cela passe, en premier lieu, par le combat contre le racisme, sous toutes ses formes, pour la régularisation de tous les sans-papiers et la liberté de circulation dans le pays et au sein de l’UE. Ce combat doit se lier ã toutes les luttes contre les politiques austéritaires et l’offensive anti-ouvrière actuellement en cours, de même que contre l’ensemble des interventions impérialistes, qu’il s’agissent de celles qui sont en préparation, comme dans le cas de la Libye, ou de celles qui sont en cours, ã commencer par le Mali, la Centrafrique et l’Irak. Face à l’augmentation du racisme et de l’intégrisme, ã commencer par celui des catholiques « bien de chez » nous de la Manif pour tous, face à l’unité nationale, il est en essentiel d’opposer l’unité des travailleur-ses et des exploité-e-s, avec ou sans-papiers, français-e-s ou immigré-e-s, par delà nos croyances.

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