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Extrême gauche argentine

Avec un meeting massif, le PTS finit l’année avec plus de force militante

10/12/2014

Avec un meeting massif, le PTS finit l’année avec plus de force militante

Traduit de La Izquierda Diario, 8/12/2014

Ce samedi 6 décembre, le Parti des Travailleurs Socialistes (PTS), composante du Front d’Extrême Gauche et des Travailleurs (FIT), clôturait l’année militante avec un meeting qui a rassemblé environ 6000 personnes dans un grand stade de Buenos Aires, dans une ambiance lutte de classes et internationaliste. Y ont participé des délégations ouvrières de plus de 80 syndicats de branche, des délégations de la jeunesse étudiante et ouvrière de tout le pays, ainsi que des militant-e-s ?féministes et ?LGBTI du collectif Pan y Rosas. ? Le meeting a également été l’occasion d’envoyer un message de solidarité avec les 43 étudiant-e-s mexicain-e-s disparu-e-s ã Ayotzinapa, pour exiger leur réapparition. Cet événement est une illustration des recompositions de l’extrême gauche et du FIT en Argentine, et mérite en ce sens l’attention des révolutionnaires du monde entier.

Sous le soleil d’une après-midi étouffante, 6000 personnes venues de toutes les régions où le PTS est présent ont rempli le grand stade du club Argentinos Juniors. Les orateurs ont évoqué les principaux faits politiques dont ils ont été les protagonistes. On a pu constater un grand enthousiasme militant d’un courant politique qui a émergé avec force !

Sur le coup de 18 heures, alors que le stade était plein ã craquer, des milliers de pancartes se sont élevées depuis la foule de participants, qui s’est écriée, dans un grand moment d’émotion : « ils les ont pris vivants, nous les voulons vivants ! » (« vivos los llevaron, vivos los queremos »). Il s’agissait des visages des 43 étudiants mexicains assassinés et disparus par l’Etat. Le meeting pouvait alors s’ouvrir : « Bienvenus au meeting du PTS dans le Front d’Extrême Gauche et des Travailleurs [FIT] ». Depuis les tribunes on entendait à l’unisson : « Luchar, vencer, obreros al poder » (« Lutter, vaincre, ouvriers au pouvoir »).

Nicolás Del Caño : « Face au consensus de droite, il nous faut renforcer l’extrême gauche »

Lors du discours de clôture du meeting, le député national et pré-candidat pour les élections présidentielles de 2015 pour le Front d’Extrême Gauche et des Travailleurs (FIT), Nicolás del Caño a parlé de la nécessité de renforcer l’espace de l’extrême gauche « contre le patronat, sa caste politique et la bureaucratie syndicale » face ã ce qu’il a caractérisé comme un « consensus de droite » entre les principaux candidats à la présidence du pays (Daniel Scioli, Sergio Massa et Mauricio Macri).

Del Caño a affirmé que « le FIT ne va pas se diviser. Car notre Front est la seule coalition politique nationale qui pose la question de l’indépendance politique des travailleurs contre les partis des capitalistes et qui a un programme que nous défendons ».

A propos de sa pré-candidature pour les présidentielles pour le FIT il a déclaré : « avec ma candidature nous voulons exprimer ce que nous avons déjà vu l’année dernière ã Mendoza : des dizaines de milliers de jeunes précaires, des femmes qui luttent pour leurs droits se sont vus attirés par notre campagne et c’est pour cela qu’ils nous ont donné leur soutien. Ma candidature prétend être le symbole de la fusion des travailleurs, de la jeunesse et des femmes en lutte avec l’extrême gauche. Sans cela l’extrême gauche n’a pas de futur ».

« Depuis l’usine sous gestion ouvrière la plus connue au monde »

Le meeting a été ouvert par Claudio Dellecarbonara, référent de l’aile lutte de classe du syndicat du métro de Buenos Aires et dirigeant du PTS, qui a introduit le premier orateur, Raul Godoy.

Dirigeant historique du PTS et de l’usine Zanon sous contrôle ouvrier, Raul Godoy est monté à la scène accompagné d’une grande délégation de la province de Neuquén. Celle-ci était composée de représentants des usines Zanon et Cerámica Neuquén ; des travailleurs et des délégués de l’industrie textile, des hôpitaux et des enseignants de différentes villes de la province. Il y avait aussi des étudiants qui dirigent plusieurs organisations étudiantes.

Dans l’une de ses principales définitions, R. Godoy a affirmé que « c’est la classe ouvrière qui offre une réponse à la crise. Nous dénonçons la vente des ressources naturelles ã des multinationales comme Chevron. Les gouvernements national et provincial parlent de souveraineté énergétique mais ils font cadeau de nos ressources naturelles ã Chevron. Et nous nous opposons ã cela dans les rues avec les travailleurs, les étudiants et la communauté mapuche. Au Parlement national, Nicolás del Caño a présenté le projet de loi pour la nationalisation de tous les hydrocarbures sous contrôle ouvrier. Ce programme nous devons le mettre en avant avec la lutte de classes. Pour cela nous nous battons pour reprendre des mains de la bureaucratie les syndicats. Nous, les travailleurs, devons présenter une alternative politique ».

Godoy a enfin convié la salle ã rejoindre « la construction d’un parti révolutionnaire des travailleurs ». L’auditoire a répondu avec enthousiasme avec le chant « Vous allez voir, la classe ouvrière au pouvoir » (« ya van a ver la clase obrera en el poder »).

La voix des employés municipaux et du sucre du nord du pays

Alejandro Vilca, dirigeant syndical des éboueurs de la province de Jujuy, est monté avec des délégués de leur syndicat, avec Silvio Choper Eguez de la raffinerie de sucre La Esperanza, avec des dirigeants des travailleurs du commerce, des délégués de l’aciérie Zapla, des fonctionnaires qui font partie de la liste Marron de leur syndicat ainsi que des délégués des raffineries de sucre de la province de Tucuman.

Vilca s’est adressé au public en disant que « ces politiciens gouvernent pour les patrons et les grands propriétaires terriens. Dans notre province les réseaux de prostitution sont protégés par l’Etat et la police ; la protestation sociale est criminalisée ; la justice défend ceux qui chassent les peuples originaires de leurs terres.

Une loi électorale de proscription a empêché que dans notre province il y ait des députés d’extrême gauche. Celle-ci doit devenir une alternative politique dans le nord aussi. Et pas seulement une force électorale mais une force militante qui exprime la volonté de milliers de travailleurs et travailleuses dans les usines, dans les écoles. On doit leur montrer que l’on est capable de faire de la politique, d’en finir avec l’Argentine capitaliste et renverser ce monde. Avec notre mobilisation il nous faut imposer un gouvernement des travailleurs ».

Ensuite, Silvio Choper Eguez dirigeant du syndicat de la raffinerie de sucre La Esperanza s’est dirigé à la foule : « qu’est-ce que c’est beau de voir les travailleurs se réunir pour discuter de politique et pour défendre tous les travailleurs et travailleuses contre les partis capitalistes. Nous vous invitons tous ã porter le drapeau des travailleurs ! ».

Les luttes de Donnelley et Lear en vedettes du meeting !

Une grande délégation d’ouvriers de Lear en lutte pour leur réadmission dans l’entreprise est montée sur la scène [1]

Le délégué Rubén Matu a parlé du conflit : « il a été le plus important de l’année et le patronat a compris que ce ne sera pas facile de licencier là où il y a des délégués d’extrême gauche ». Matu a annoncé qu’il y aura une nouvelle journée nationale de lutte des travailleurs de Lear la semaine prochaine.

Un des moments les plus émouvants de la soirée a été quand les travailleurs de Lear ont rendu hommage ã Elia Espen, une des Mères de la Place de Mai emblématiques qui a soutenu leur lutte.

La Commission de Femmes de Donnelley a ensuite pris la parole pour raconter leur expérience de lutte avec leurs compagnons mais aussi pour leurs droits spécifiques [2]

Eduardo Ayala, le militant du PTS qui a commencé ã organiser les travailleurs ã Donnelley il y a dix ans a pris la parole. Il a invité R. Godoy ã monter sur la scène et ils ont échangé leurs chemises de travail. Tout le stade scandait « ils sont là , ce sont eux, les ouvriers sans patrons » (« Aquí están, estos son, los obreros sin patrón »).

Puis Ayala a repris son discours : « nous devons transformer notre usine en une tranchée pour organiser toute l’avant-garde ouvrière. Depuis cette avant-garde nous voulons organiser les milliers d’ouvriers de l’industrie comme ceux de Ford ou Volkswagen. C’est celui-là le défi, on ne peut pas rester à l’intérieur de l’usine ».

Des délégations de plus de 80 secteurs ont été présentes. Parmi celles-ci on pouvait voir celle de Kraft et Pepsico avec une grande délégation de l’opposition au sein du syndicat de l’alimentation. Il y avait aussi des travailleurs du secteur aéronautique, des télécommunications, du métro de Buenos Aires, des cheminots, des éboueurs, des céramistes, des travailleurs des raffineries de sucre, etc.

La jeunesse

Cecilia Mancuso, dirigeante de la Jeunesse du PTS a pris la parole accompagnée de plusieurs référents de la jeunesse du PTS des centres d’étudiants des universités et des jeunes travailleurs de tout le pays.

« Ces dernières années la jeunesse est protagoniste de phénomènes politiques et de grandes luttes ã travers la planète : une nouvelle génération qui a occupé la place Tahrir en Egypte ; les étudiants et lycéens de France qui exigent justice pour Rémi Fraisse, assassiné par la police et font face à la répression de l’Etat. C’est la jeunesse qui a été à la tête des mouvements des Indignés et d’Occupy dans l’Etat Espagnol et aux Etats-Unis ; de la lutte contre le racisme ã Ferguson. C’est elle qui a été à la tête des mobilisations au Chili et au Brésil récemment. Et c’est ã nouveau elle qui descend dans la rue au Mexique aujourd’hui pour dénoncer les crimes sauvages qui se produisent dans ce pays. En Argentine la jeunesse sera un élément clé dans les prochaines années : alors que beaucoup de jeunes ont vu le kirchnerisme comme une alternative, aujourd’hui ils se rendent compte que ce sont les grands capitalistes les vrais gagnants de la dernière décennie ».

Pour l’organisation de milliers de femmes !

Plus de 1000 militantes du PTS et de l’organisation féministe liée ã notre parti Pan y Rosas se sont rendues cette année à la rencontre nationale de femmes et ont livré une bataille politique pour le droit à l’avortement, contre les féminicides et contre les violences faites aux femmes. Elles ont dénoncé en même temps le pacte entre le gouvernement et le Vatican. Nombre d’entre elles étaient présentes au meeting.

Maxima et Valeria ont pris la parole pour défendre les droits des personnes trans et contre la violence de la société capitaliste et patriarcale. Puis Andrea D’Atri est montée à la tribune et a commencé par saluer les travailleuses qui l’accompagnaient comme celles de Lear, Donnelley, du métro de Buenos Aires, de la santé, de l’éducation, parmi tant d’autres.

« …Nous disons NON ã ce que l’Etat et l’Eglise décident pour nous ! Séparation immédiate de l’Eglise et de l’Etat ! Cette année nous avons aussi accompagné Nicolas Del Caño qui a dénoncé au Parlement le refus de traiter la loi pour la légalisation de l’avortement ». « Si l’on touche à l’une d’entre nous, nous nous organisons parmilliers », a poursuivi D’Atri pour dénoncer les féminicides et le rôle de l’Etat dans les cas de violence faites aux femmes, quand des femmes meurent lors d’avortements clandestins et la précarité que subissent des millions de femmes.

Contre la criminalisation de la contestation sociale

Acclamée par la foule, l’avocate du PTS et députée élue pour la ville autonome de Buenos Aires et pré-candidate à la mairie de la capitale argentine, Myriam Bregman a pris la parole. A ses côtés se trouvaient les avocats du Centre de Professionnels pour les Droits Humains ainsi que les familles en lutte contre la violence et les crimes de la police de Cordoba, Rosario, Tucuman et Buenos Aires.

« Nous cherchons tous les éléments qui nous permettent de développer la lutte et menons des actions comme le blocage d’autoroutes qui sont des actions complètement légitimes. Cette année le gouvernement national a déclenché les répressions les plus importantes et dures des dernières années. Il paraissait tout puissant mais on l’a vaincu dans les rues, en bloquant l’autoroute Panaméricaine, pour exercer notre droit de manifester librement.

On va nous dire que d’autres répressions auront lieu. Sans doute. Mais cette bataille, le gouvernement l’a perdue. La même juge qui avait ordonné d’évacuer la Panaméricaine par la force, qui avait autorisé ã ce que la gendarmerie réprime en envoyant à l’hôpital plus de 70 camarades, en faisant plus de 20 arrestations, c’est cette même juge qui s’est vue obligée de demander le retrait de la gendarmerie. Et cela est le résultat de la lutte, de la persistance des ouvriers et du PTS. »

Christian Castillo : « pour renverser le pouvoir des capitalistes nous voulons construire une grande force militante »

Le député de la province de Buenos Aires Christian Castillo, accompagné de délégations de travailleurs, s’est adressé ainsi au public : « Nous faisons partie d’une grande tradition historique qui se résume dans ce que Marx affirmait quand il disait ‘la libération des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes’. Notre classe a été protagoniste de grands évènements révolutionnaires. On a eu les barricades de Paris en juin 1848, où la classe ouvrière a appris que sa libération sociale ne serait pas l’œuvre de sa lutte avec la bourgeoisie mais contre elle, où elle a forgé l’objectif de la dictature du prolétariat pendant cinq jours de combats ã sang et ã feu contre les forces répressives de la bourgeoisie républicaine et le parti de l’ordre.

Notre classe se nourrit aussi de la lutte et les leçons de la Commune de Paris de mars 1871. 73 jours où les ouvriers parisiens ont ‘pris le ciel d’assaut’ avant d’être noyés dans le sang, dans un massacre qui a coûté la vie ã 30.000 personnes dont des enfants et des femmes qui ont lutté jusqu’à la fin.

Au XXe siècle cette tradition a continué avec la révolution russe. En 1917, pour la première fois des ouvriers et des paysans sous la direction de Lénine, Trotsky et le parti bolchevik réussissaient ã prendre le pouvoir à l’échelle d’un Etat et ont réussi ã résister à l’invasion de 14 armées impérialistes.

Cette tradition a été forgée également par de grandes révolutions expropriées comme celle d’Allemagne en 1918 ou la révolution bolivienne de 1952 où la classe ouvrière avait défait l’armée et a formé des milices, mais au lieu de prendre le pouvoir elle l’a remis au nationalisme bourgeois organisé dans le Mouvement National Révolutionnaire. On peut évoquer également les cordons ouvriers au Chili dans les années 1970. (…)

Nous sommes révolutionnaires parce que nous sommes réalistes, parce que nous savons que ce n’est qu’à travers la mobilisation et l’organisation de centaines de milliers, voire de millions de travailleurs nous pourrons arracher le pouvoir à la bourgeoise.

Tout au long du XXe siècle nous avons vu des révolutions où les travailleurs et les paysans ont réussi ã renverser le pouvoir des propriétaires terriens et des capitalistes et ont commencé ã construire le socialisme. Mais nous avons vu aussi que si ces révolutions se bureaucratisent et si l’on abandonne la perspective de la lutte pour la révolution socialiste internationale, les acquis des grandes révolutions disparaissent peu ã peu et les bureaucraties cherchent ã devenir elles-mêmes capitalistes, laissant survivre l’impérialisme.

C’est pour cela que la tradition que nous défendons est aussi celle de la lutte sans merci contre les bureaucraties dans les organisations mêmes de la classe ouvrière, qui ont été et demeurent fondamentales pour maintenir la domination capitaliste et impérialiste. C’est le cas des bureaucraties qui contrôlent les syndicats et agissent comme des vrais flics dans les usines au service du patronat. Ou encore la bureaucratie qui a pris le pouvoir en Union Soviétique dirigée par Staline et que Trotsky a combattu théoriquement et dans la pratique ; une lutte pour laquelle il a donné sa vie.

Nous sommes très enthousiastes avec la création du FIT, nous savons que c’est un grand acquis qui nous a permis, avec d’autres forces se revendiquant du trotskysme, de nous mobiliser contre les candidats du patronat et nous avons ainsi réussi ã recueillir les voix de 1,2 millions de travailleurs et de jeunes.

Mais nous sommes conscients que les voix vont et viennent. Ce qui est stratégique pour briser le pouvoir des capitalistes, pour vaincre l’impérialisme, c’est construire une grande force militante, présente dans les usines, dans les écoles, les lycées et les universités. Nous voulons mettre sur pied cette force avec des dizaines de milliers de militants pour pouvoir mobiliser des centaines de milliers de personnes, pour briser l’appareil de répression de la bourgeoisie et assurer la conquête du pouvoir politique par la classe ouvrière ».

[1] Au sujet de la lutte de Lear, lire par exemple [« Nouvelle répression des travailleurs de Lear »-http://www.ccr4.org/Argentine-Chris...], M. Noda, 28/10/14 et les nombreux articles ã ce sujet sur le site ccr4.org.

[2] Sur la lutte de Donnelley et le rôle de la commission des femmes, on peut se référer au récit de Wendy Z. Goldman : [“Derrière chaque travailleur il y a une famille”- http://www.ccr4.org/Derriere-chaque...], 12/10/14.

  • NOTAS
    ADICIONALES
  • [1Au sujet de la lutte de Lear, lire par exemple [« Nouvelle répression des travailleurs de Lear http://www.ccr4.org/Argentine-Christina-Kirchner-toujours-plus-a-droite M. Noda, 28/10/14 et les nombreux articles ã ce sujet sur le site ccr4.org.

    [2Sur la lutte de Donnelley et le rôle de la commission des femmes, on peut se référer au récit de Wendy Z. Goldman : [“Derrière chaque travailleur il y a une famille” Sur la lutte de Donnelley et le rôle de la commission des femmes, on peut se référer au récit de Wendy Z. Goldman : [“Derrière chaque travailleur il y a une famille”

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