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L’avortement d’une loi, la mort d’un ministre
par : Laura Varlet, estudante da universidade Paris 8 e militante da CCR , Cynthia Lub

26 Sep 2014 | Le président Rajoy vient de confirmer la "mort annoncée" de la loi qui entendait porter un coup sévère au droit à l’avortement. Quelques instants plus tard, le ministre Gallardon, qui avait porté ce projet de loi, rendait publique sa démission : "Je n’abandonne pas seulement le Ministère de la Justice, j’abandonne la politique", a-t-il déclaré lors (...)
L’avortement d’une loi, la mort d’un ministre

Le président Rajoy vient de confirmer la "mort annoncée" de la loi qui entendait porter un coup sévère au droit à l’avortement. Quelques instants plus tard, le ministre Gallardon, qui avait porté ce projet de loi, rendait publique sa démission : "Je n’abandonne pas seulement le Ministère de la Justice, j’abandonne la politique", a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse tenue après sa démission au Parlement et ã ses fonctions au sein du parti.

Les organisations de femmes, féministes et activistes fêtent cette nouvelle qui signe le triomphe des mobilisations contre cette loi qui se sont succédées depuis le début de l’année [1].

Il s’agit d’une grande crise pour le gouvernement de Rajoy, qui veut éviter la perte massive de voix lors des prochaines élections municipales et régionales de 2015. Mais ã ceci s’ajoute le fait que le gouvernement est pris dans de fortes tensions avec le président catalan, Artur Mas, qui est sur le point de convoquer un référendum sur l’indépendance de la Catalogne pour le 9 novembre. Dans ce contexte, l’ancien ministre laisse un "vide de pouvoir" au sein du Ministère de la Justice, alors même qu’il devait jouer un rôle clef dans la réponse politique du gouvernement Rajoy pour tenter d’annuler la consultation catalane.

Le projet de loi sur l’avortement voté par le Conseil des Ministres en décembre 2013 a connu plusieurs fronts d’opposition. D’un côté, certains secteurs minoritaires au sein même du Parti Populaire (PP) de Rajoy. D’un autre côté, ce projet a été rejeté par des secteurs qui le trouvaient trop peu restrictif, et qui revendiquaient le "droit à la vie" contre le "génocide de l’avortement". Mais le front d’opposition le plus fort s’est retrouvé dans les inépuisables mobilisations de rue.

Le cœur du débat concernait les cas de malformation fœtale, pour lesquels l’avortement avait été approuvé par le Tribunal Constitutionnel en 1985, et que la nouvelle loi voulait interdire. Suite ã de nombreux débats tout au long du mois de juin, Gallardón avait proposé une reformulation, mais qui n’a réussi ã convaincre personne.

D’après les statistiques de 2012, l’État espagnol enregistre en moyenne 112000 interruptions volontaires de grossesse par an, dont 90% lors des 12 premières semaines de grossesse, pourcentage stable depuis 30 ans. Les cas d’avortement pour cause de malformation du fœtus ne représentent que 3% sur cet ensemble, c’est-à-dire, près de 3500 cas par an, parmi lesquels moins de 300 cas liés ã des anomalies incompatibles avec la vie. Ainsi, si la loi de Gallardón avait été approuvée, elle aurait eu des répercussions négatives sur l’immense majorité des femmes décidant d’interrompre leur grossesse, puisque pour la quasi-totalité d’entre elles, les causes ne sont liées ni à la malformation du fœtus ni à la mise en danger de leurs vies.

La victoire des mobilisations

Dans l’État espagnol, le 28 septembre, Journée Internationale de lutte pour le Droit à l’Avortement, sera vécu par les organisations féministes avec la fierté d’avoir réussi ã freiner la Loi réactionnaire du PP sur l’avortement. Cependant, beaucoup l’annoncent déjà sur les réseaux sociaux, la lutte ne doit pas cesser et il faut rester vigilants. Rajoy a annoncé qu’il continuera ã travailler sur certains points qui font encore polémique, tels que la permission obligatoire des parents pour les mineurs décidant d’interrompre leur grossesse.

Viennent de s’écouler neuf longs mois de forte contestation dans les rues avec des manifestations, des dénonciations publiques, accompagnées d’un vaste soutien social mettant en avant les revendications des organisations féministes. Le gouvernement, inquiété par l’extension de la mobilisation, a recouru ã plusieurs reprises à la répression et à l’arrestation des femmes mobilisées, à l’image de ce qui se faisait dans les années 60 et 70 sous le franquisme, lorsque les prisons se remplissaient de femmes qui luttaient pour le droit à l’avortement libre et gratuit.

Mais la solidarité avec les femmes espagnoles s’est faite entendre au-delà des frontières et de nombreuses manifestations ont été organisées devant les ambassades de l’État espagnol au Royaume-Uni, en Belgique, en Italie, en Argentine, au Mexique et en Equateur. En France, un premier rassemblement avait eu lieu le 20 décembre 2013 devant l’ambassade, puis une grande manifestation le 1er février qui avait réuni plus de 30000 personnes ã Paris, et 40000 en France dans une trentaine de villes. Cette solidarité internationale a permis de montrer qu’il s’agit d’un combat qui ne concerne pas seulement les femmes espagnoles, mais l’ensemble des femmes par-delà les frontières.

Comme nous observons dans de nombreux pays, comme la Grèce, la France ou même l’État espagnol, avec la crise économique et le renouveau des idées réactionnaires, les classes dominantes veulent nous imposer de nombreux reculs aussi bien en ce qui concerne les acquis sociaux et le code du travail, que sur les droits des femmes. Des restrictions sur le droit à l’avortement auraient davantage de conséquences sur les femmes des classes populaires, puisqu’elles n’ont pas l’argent pour se payer un voyage pour aller avorter à l’étranger, et devrait se soumettre ã des avortements clandestins au péril de leur vie. En France, nous avons connu la fermeture de près de 150 centres IVG ces dix dernières années et de nombreux obstacles se dressent face aux femmes qui veulent avorter (attente trop longue pour les rendez-vous, etc.). Face à la politique antisociale menée par le gouvernement Valls et la présidence Hollande, il est clair que la seule manière de défendre nos acquis, d’avancer dans la conquête de nouveaux droits et dans la remise en question de l’oppression patriarcale, c’est de compter sur nos propres forces. Seules les mobilisations, les luttes et les grèves de l’ensemble des exploité-e-s et des opprimé-e-s pourront créer le rapport de forces nécessaire pour faire reculer les gouvernements, le patronat et toutes leurs attaques : nous ne payerons pas leur crise !

Brève chronologie

20/12/2013 : le Conseil des Ministres approuve un avant-projet intitulé "Loi pour la Protection de la Vie de l’enfant non né et des Droits de la Femme Enceinte". Celui-ci développe un nouveau "système de délais" (délais et conditions d’interruption de la grossesse) considéré comme plus restrictif que celui de 1985. Ceci notamment dans la mesure où la possibilité d’avortement pour cause de malformation est supprimée. Des manifestations s’organisent dans l’ensemble de l’État espagnol.

03/06/2014 : le Conseil Fiscal soutient la loi ã huit voix contre quatre. Il exige aussi des sanctions pour les femmes ayant avorté. Le Comité de Bioéthique annonce son soutien suite ã un rapport où il déclare que "permettre l’avortement pendant les 14 premières semaines de grossesse, (...) implique d’abandonner complètement l’impératif de protection de l’être humain". Les mobilisations se poursuivent pendant l’été dans l’ensemble de l’État, plusieurs d’entre elles sont réprimées par la police.

21/07/2014 : le ministre Gallardón annonce que son projet serait approuvé en septembre 2014.

23/09/2014 : le délai pour approuver la Loi s’écoule et celle-ci reste en attente. Les mobilisations se préparent pour demander le retrait définitif de la loi et la démission du Ministre.

23/09/2014 : le président Rajoy annonce le retrait de la Loi. Le Ministre Ruiz Gallardón présente sa démission à l’ensemble de ses fonctions.

 

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