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La crise syrienne et les limites de la puissance nord-américaine
par : Claudia Cinatti

13 Sep 2013 | En l’espace de deux semaines le gouvernement étasunien est passé de l’annonce d’une attaque imminente et unilatérale contre la Syrie en représailles de la possible utilisationd’armes chimiquespar le régime de Damas, le 21 août dernier, à l’acceptation de la « solution diplomatique » avancée par la Russie. Comment doit-on lire cette volte-face (...)
La crise syrienne et les limites de la puissance nord-américaine

En l’espace de deux semaines le gouvernement étasunien est passé de l’annonce d’une attaque imminente et unilatérale contre la Syrie en représailles de la possible utilisationd’armes chimiquespar le régime de Damas, le 21 août dernier, à l’acceptation de la « solution diplomatique » avancée par la Russie. Comment doit-on lire cette volte-face ?

La « solution » que propose le principal allié de Bashar Al-Assad impliquerait la consignation par Damas de ses stocks d’armes chimiques et leur destruction, sous la supervision de l’ONU. Officiellement, la Russie s’est prévalue d’une « gaffe » faite au cours d’une conférence de presse par le secrétaire d’Etat américain John Kerry qui avait déclaré que, la seule façon d’éviter une attaque militaire contre la Syrie – circonscrite dans le temps et par ses dimensions, avait-il précisé - était que Al-Assad livre l’ensemble de son arsenal chimique.

« La solution russe », planche de salut pour Washington

La proposition russe est en fait une véritable planche de salut pour Washington. Il est plus probable que cette « issue honorable » à la crise ouverte par la menace d’une possible intervention militaire ait été négociée en coulisse par Barack Obama et Vladimir Poutine en marge du G-20 de Saint-Pétersbourg. Il s’agit, en dernière instance, d’une occasion en or pour la Maison Blanche de briser l’isolement que signifiait une nouvelle aventure militaire au Proche-Orient. A court terme, cette solution convient à la grande majorité des protagonistes impliqués dans la crise syrienne, à l’exception des directions pro-impérialistes du Conseil National Syrien, de l’Armée Syrienne Libre et de leurs tuteurs régionaux qui continuent ã réclamer une intervention occidentale à l’image de celle qui fut menée par l’OTAN contre la Lybie de Kadhafi.

C’est une façon pour Obama d’éviter une défaite presque certaine devant le Congrès américain. En effet, aucune majorité ne se dessinait pour valider l’usage de la force, notamment parce qu’après les guerres d’Afghanistan et d’Irak une nouvelle incursion dans la région serait extrêmement impopulaire aux Etats-Unis où, selon les derniers sondages, 84% de l’opinion publique rejette une attaque unilatérale contre la Syrie. Cela n’a pas empêché Obama de s’attribuer tout le mérite de la « solution russe », comme si elle découlait de la pression militaire mise sur Al-Assad au cours des dernières semaines. Aux côtés de la France et de la Grande-Bretagne, –où l’opposition ã une possible guerre est extrêmement vive- les Etats-Unis vont chercher ã faire approuver par l’ONU une résolution qui légitimerait l’usage de la force en Syrie si Damas manquait ã ses engagements. La destruction ou non de la totalité des stocks d’armes chimiques étant impossible ã vérifier, une telle résolution servirait de toute façon ã couvrir une intervention impérialiste en dernière instance.

La faiblesse dont a fait montre le front impérialiste a permis à la Russie d’apparaître ã nouveau comme une puissance avec laquelle les Etats-Unis doivent compter s’ils entendent arriver ã un quelconque accord au Conseil de Sécurité au sein duquel Moscou pèse ã travers son droit de véto. Les bases économiques et politiques de cette « puissance retrouvée » du Kremlin sont extrêmement fragiles et la Russie actuelle est loin de pouvoir jouer le même rôle que l’ex-URSS, notamment du fait du poids qu’avait l’Union Soviétique sur le mouvement ouvrier international. Cependant, aux côtés de la Chine, la Russie a la possibilité de faire obstacle ã toute résolution qui donnerait un semblant de légitimité ã une intervention armée conduite par les Etats-Unis.

Le régime de Al-Assad est pour l’heure à l’abri d’une attaque des puissances occidentales et de leurs alliés régionaux qui avait pour objectif d’inverser le rapport de force sur le terrain au profit des « rebelles ».

Sans possibilité de s’imposer au sein du Conseil de sécurité pour les Etats-Unis, s’ouvre une période de négociations et de chantage au résultat des plus incertains.

La crise syrienne comme révélateur du déclin étasunien

Les zigzags de la politique extérieure d’Obama et les énormes difficultés pour mener ã bien une attaque contre la Syrie en dépit de l’écrasante supériorité militaire des forces impérialistes est une preuve supplémentaire de l’approfondissement du déclin de la puissance américaine. Il faut l’insérer dans le cadre des défaites essuyées en Irak et en Afghanistan et des obstacles rencontrés par Washington pour rétablir sa domination sur une région stratégique, encore secouée par les processus complexes qui découlent des printemps arabes et, avec pour toile de fond, la crise capitaliste internationale.

Avec la crise syrienne, ce qui est en jeu n’est pas tant l’avenir du régime de Al Assad que la capacité des Etats-Unis ã exercer leur rôle de « premier flic » sur l’échiquier international et d’imposer leurs intérêts tant à leurs partenaires qu’à leurs ennemis. Une faiblesse de Washington ã ce niveau aurait des conséquences à long terme et pourrait encourager d’autres pays comme l’Iran ou la Corée du Nord ã défier plus ouvertement les diktats de la Maison Blanche et de ses alliés. Cela ne veut pas dire, bien entendu, que les Etats-Unis ne continuent pas ã représenter la principale puissance impérialiste au niveau mondial ou qu’ils aient renoncé ã avoir recours à la force, notamment là où leurs intérêts sont en jeu. Ni, non plus, que cette faiblesse pourra être mise ã profit automatiquement par les masses ouvrières et populaires, notamment lorsqu’elles ont à leur tête des directions réactionnaires. C’est ce que l’on peut voir encore aujourd’hui en Irak, où l’on assiste ã une recrudescence de la guerre civile entre sunnites et chiites, ou encore en Afghanistan, où Washington essaye de négocier avec les Talibans.

Contre toute intervention impérialiste, avec ou sans soutien de l’ONU !

Après avoir renoncé ã une action unilatérale, Obama cherchera une couverture du côté de l’ONU avec l’excuse d’une collaboration insuffisante de Damas sur le dossier des armes chimiques. Soit dit en passant, cela faisait un certain temps que l’on n’assistait pas ã un tel déploiement d’hypocrisie, notamment lorsque l’on sait que ce sont les Etats-Unis qui possèdent le stock le plus important d’armements non-conventionnels.

La politique russe consiste ã soutenir Damas en fonction de ses intérêts géopolitiques. De ce point de vue, Moscou pourrait aussi choisir, ã terme, de jouer le rôle de facilitateur dans une transition négociée entre Al-Assad et les opposants les plus modérés, un objectif qui, par ailleurs, est peut-être partagé par les Etats-Unis eux-mêmes.

C’est pour toutes ces raisons qu’en tant que marxistes révolutionnaires nous nous opposons ã une attaque militaire unilatérale autant qu’aux résolutions onusiennes qui ne sont qu’une couverture diplomatique de l’ingérence impérialiste. Dans ce cadre, la grande leçon que nous livrent les printemps arabes c’est que pour faire plier l’impérialisme et renverser les régimes dictatoriaux comme celui de Al-Assad, il est plus que jamais nécessaire de développer l’action et l’organisation indépendantes des travailleurs, de la jeunesse et des couches populaires.

13/9/2013.

 

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