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Face à la banqueroute de l’Europe du capital. Pour les Etats-Unis socialistes d’Europe
02 Oct 2011 | La crise européenne est entrée dans une nouvelle phase de turbulences extrêmement périlleuse. L’hypothèse d’un défaut de paiement de la Grèce, imposé de l’extérieur par l’Union Européenne (UE) ou décidé par Athènes de façon unilatérale, est de plus en plus probable.

Par Juan Chingo

La crise européenne est entrée dans une nouvelle phase de turbulences extrêmement périlleuse. L’hypothèse d’un défaut de paiement de la Grèce, imposé de l’extérieur par l’Union Européenne (UE) ou décidé par Athènes de façon unilatérale, est de plus en plus probable. Dans le cadre de la vague de contagion du mois d’août à l’Etat espagnol mais également à l’Italie, et ce alors que les banques de la zone euro, notamment françaises, sont extrêmement exposées, ce scénario pourrait donner lieu ã un cataclysme économique financier tel qu’on n’en voyait plus depuis la crise des années Trente.

Le spectre d’un nouveau Credit Anstalt hante l’Europe [1].

La raison ã tout cela, c’est que le plan de sauvetage de la Grèce n’a pas fonctionné. La responsabilité politique de ce désastre incombe, sans aucun doute, à la brutale politique déflationniste jamais imposée ã une économie politique avancée par la troïka (Union Européenne, Fonds Monétaire International et Banque Centrale Européenne). Cette politique a entrainé une violente contraction économique, avec une chute du PIB de 7,3% au cours du second trimestre 2011, contre 8,3% au premier. Dans ce cadre, les objectifs de recouvrement fiscal d’Athènes n’ont évidemment pas été atteints. Comme nous le disions l’an passé déjà , les plans de sauvetage ont effectivement fini par faire sombrer l’économie grecque.

L’unilatéralisme allemand ou la lutte de tous contre tous

Face à l’échec annoncé, un secteur de la bourgeoisie cherche ã orchestrer un défaut de paiement ordonné. C’est en ce sens que le ministre allemand de l’Economie et leader du Parti Libéral (FDP), Philipp Rösler, souligne « qu’il ne peut y avoir de tabous pour ce qui est de stabiliser l’euro. Cela inclut, si c’est nécessaire, une faillite de la Grèce, si les mécanismes nécessaires [un tel scénario] sont disponibles [2] ». La réponse d’Athènes ã cette provocation ne s’est pas faite attendre. Le premier ministre grec Papandréou a ainsi déclaré que son pays « doit se défendre comme s’il était en état de guerre » et a également fait allusion à la « mauvaise volonté » de certains pays européens, sans viser directement l’Allemagne [3] .

Rösler n’est pas le seul ã envisager l’hypothèse d’un défaut de paiement grec. C’est ainsi qu’Hoerst Seehofer, leader de la CSU et premier ministre de Bavière, un soutien de poids du gouvernement Merkel, a déclaré au journal sensationnaliste et populiste allemand Bild, que lui aussi considérait comme probable la sortie de la Grèce de la zone euro, tout en soulignant qu’il s’opposait fermement ã tout approfondissement du processus d’intégration au sein de l’UE. Il s’oppose ainsi ã tout élargissement des compétences de Bruxelles ainsi qu’à un ministre des Finances européen et plus encore à l’idée d’Etats-Unis d’Europe. « La constitution allemande ne nous permet pas de dissoudre l’Allemagne de façon indirecte [4] » a-t-il ainsi souligné.

Avec des positions complètement différentes par rapport à l’avenir de l’UE mais en tirant les mêmes conclusions quant au défaut grec, le Premier ministre hollandais Mark Rutte et son ministre des Finances Jan Kees de Jager, soutiennent l’idée d’une personnalité « forte » au niveau économique pour l’Europe, qui aurait le pouvoir de dicter la politique économique et fiscale des différents pays membres. « Les pays qui ne voudraient pas se soumettre pourraient choisir de quitter la zone euro ont-ils ainsi déclaré conjointement. (…) La sanction, à l’avenir, pourrait d’ailleurs être de forcer des pays ã renoncer à l’euro [5] ».

L’économiste Mario Blejer, qui a dirigé la Banque centrale argentine à la suite de la banqueroute de 2002, a affirmé que « la Grèce doit se diriger vers la cessation de paiement mais doit le faire ã grande échelle ». Pour cet économiste proche de Mervin King, président de la Banque d’Angleterre entre 2003 et 2008, « les plans de sauvetage conçus par le FMI et la BCE ne peuvent qu’approfondir la récession. Ils laisseront ã terme la Grèce avec une dette plus importante par rapport ã son PIB, pour des années et une économie complètement noyée. Une cessation de paiement d’Athènes entrainerait cependant le Portugal et l’Irlande sur la même voie [6] ».

Cette solution qui semble la meilleure pour certains analystes, n’est pas sans risques. Selon un rapport de l’Union des Banques Suisses (UBS), si un Etat « faible » quittait la zone euro, on assisterait ã des fuites de capitaux, ã des faillites d’entreprises ã grande échelle, ã une chute du commerce extérieur, etc. Selon les prévisions ã minima d’UBS, l’hypothèse de la cessation de paiement grecque signifierait une chute de 9.500 ã 11.500 euros par habitant, soit un recul du PIB de 40 ã 50%. Cette chute pourrait s’élever ã 3-4.000 euros par habitant au cours des années suivantes. Les effets les plus délétères de cette mesure ne se limiteraient pas seulement à la Grèce puisqu’une faillite affecterait les principales banques européennes et que la contagion pourrait avoir des effets complètement imprévisibles. L’Allemagne et la France seraient en capacité de recapitaliser leurs banques mais d’autres pays auraient besoin d’une aide extérieure. La BCE devrait intervenir en rachetant massivement des bons du trésor tout en ayant recours à la flexibilisation monétaire sur laquelle joue la Réserve Fédérale américaine, ce ã quoi Berlin s’oppose jusqu’à présent. Ce n’est pas un hasard si la chancelière allemande a affirmé dernièrement que « les risques de contagion associés ã une cessation de paiement de la Grèce sont beaucoup trop importants. Si on perd le contrôle de la situation, l’économie mondiale traversera une zone de turbulences [7] ».

Il est intéressant de noter comment, comme nous le disons dans l’article précédent [8], le rapport d’UBS souligne le risque que courent les régimes bourgeois ã ne pas survivre un tel scénario catastrophe qui pourrait donner lieu ã une fragmentation de l’Europe : « le coût économique est, dans une certaine mesure, la dernière des préoccupations que devraient avoir les investisseurs. Une fragmentation de l’euro aurait des coûts politiques. La ‘soft power’ européenne sur l’échiquier international cesserait immédiatement d’exister tout comme le concept même ‘d’Europe’ en tant qu’entité intégrée. Il est également intéressant d’observer que, par le passé, aucune union monétaire ne s’est jamais rompue sans entraîner dans son sillage une forme ou une autre de régime autoritaire ou militaire ou des guerres civiles [9] ».

Le fédéralisme allemand ou une nouvelle Union avec davantage de discipline fiscale et une plus grande hégémonie de Berlin

Face ã cette hypothèse économique catastrophique qui pourrait générer des soulèvements sociaux d’envergure, d’autres secteurs de la classe dominante en appellent ã davantage de prudence. Ils cherchent ã éviter l’impact qu’aurait un défaut de paiement désordonné et chaotique sur les finances et l’économie de l’UE. La solution serait ainsi une intégration plus importante, mais basée sur un durcissement des règles du jeu actuel et une prépondérance de Berlin dans les mécanismes de prise de décision, dans la mesure où l’Allemagne représente la principale puissance économique de la zone euro.

Selon le spécialiste de l’Union ã Libération, Jean Quatremer, une sorte de consensus aurait vu le jour au cours de l’été. « Loin des tergiversations qui ont marqué depuis fin 2009 la gestion, par (…) Merkel de la crise de la zone euro, tergiversations qui ont contribué à l’aggraver, ‘la grande majorité de la classe politique allemande est désormais ã nouveau clairement en faveur d’une fédération européenne’, se réjouit Thomas Klau de l’European Council on Foreign Relations, un think tank spécialisé en politique étrangère. Après la mobilisation des ‘pères de l’Europe’, [le] prédécesseur [de Merkel] Helmut Kohl menant la charge en l’accusant de ‘casser [son] Europe’ (que ce soit l’euro ou la politique étrangère après la désastreuse abstention sur l’intervention en Libye), c’est au tour de la jeune garde de se mobiliser. Ainsi, Ursula von der Leyen, la ministre des Affaires sociales et vice-présidente de la CDU, dans un entretien à l’hebdomadaire Der Spiegel fin août, a plaidé en faveur des ‘États-Unis d’Europe’, rien de moins. ‘Cela signifie que les États et les régions gardent beaucoup de prérogatives pour les questions concrètes, mais, pour les questions importantes comme la politique budgétaire, la fiscalité ou l’économie, nous utilisons le grand avantage que représente l’Europe...’. [Selon Thomas Klau], ‘il est tout ã fait révélateur que von der Leyen, qui ne s’était jamais prononcée sur les questions européennes et qui a l’ambition de succéder ã Merkel ait estimé que le fédéralisme européen était un thème porteur’ [10] ».

L’opposition des Verts et des sociaux-démocrates plus fédéraliste, semble refaire surface après une longue période de léthargie. Les deux partis se déclarent en faveur de l’émission d’obligations européennes. Joshka Fischer, ancien homme fort des Verts va même plus loin. Il se déclare partisan des Etats-Unis d’Europe. De façon plus surprenante, l’ancien chancelier Gherard Schröder a repris les mêmes termes dans plusieurs de ses déclarations. Lors d’une réunion récente qui s’est tenue ã Bruxelles avec d’autres anciens dirigeants européens comme Felipe González (Etat espagnol), Guy Verhofstadt (Belgique) ou Matti Vanhanen (Finlande), Schröder a ouvertement parlé d’obligations européennes, de pouvoirs élargis de l’UE en matière fiscale et d’une fédération européenne.

Certains parmi les principaux banquiers européens commencent d’ailleurs ã faire campagne pour un nouveau traité constitutionnel. Mario Draghi, qui devrait bientôt diriger la BCE, s’est ainsi prononcé en faveur d’un changement important des règles européennes et des traités en demandant des règles applicables sur l’ensemble de la zone euro qui soient corrélées ã des réformes structurelles ã mettre en œuvre, ainsi que des clauses sur l’amélioration de la compétitivité et de la croissance qui devraient être intégrées au nouveau traité. Ses propositions semblent faire écho ã celles de Jean-Claude Trichet qu’il va bientôt remplacer. Ce dernier a répété aux côtés de Draghi lors de la même conférence, ã Paris, qu’il fallait selon lui créer un poste de ministre européen de l’Economie ayant toute latitude pour intervenir dans les politiques nationales, budgétaires et économiques. Le président de la Bundesbank, Jens Weidmann, a laissé entendre quant à lui que si les pays membres de la zone euro en recevaient l’autorisation, il fallait aller dans le sens d’une réelle union fiscale.

Toute cette pression n’est pas sans conséquences pour le gouvernement allemand qui semble désormais plus ouvert sur la question de la modification des traités. Wolfgang Schäuble, le ministre des Finances du gouvernement Merkel, s’est ainsi rallié « ã titre personnel », fin août, à l’idée de Jean-Claude Trichet, le président de la Banque centrale européenne, de créer un ministre des Finances européen, et a estimé qu’il faudrait modifier les traités européens afin de donner plus de pouvoirs aux institutions européennes dans les domaines économiques et financiers.

La grandiloquence un peu vide de ceux qui parlent d’Etats-Unis d’Europe cache mal ce qui se trouverait derrière un tel projet : une UE plus disciplinée sur le plan budgétaire et économique et avec un plus grand droit d’ingérence dans les affaires nationales des pays de la part des puissances les plus fortes, ã commencer par l’Allemagne. Mais les partisans d’une solution fédérale montrent surtout leur incapacité ã trouver réellement une solution structurelle au problème.

Le péril nationaliste

Il est encore trop tôt pour savoir comment va se résoudre cette question qui est ouverte au sein de la classe dominante allemande.

D’un côté, le Tribunal Constitutionnel de Karlsruhe déclare que le programme bilatéral de sauvetage de la Grèce n’est pas inconstitutionnel tout comme le Fonds Européen de Stabilité Financière. D’autre part, Il met des entraves à l’approbation des obligations européennes que certains considèrent cependant comme le seul instrument capable de sortir de la crise actuelle. Certes, lorsque la RFA a absorbé la RDA, Bonn avait à l’époque violé ses propres règles constitutionnelles et personne n’en avait fait grand cas. A l’époque, sa priorité était l’annexion impérialiste de l’Allemagne de l’Est. Pour atteindre cet objectif, elle poussa sa politique jusqu’à changer les marks est-allemands contre des marks ouest-allemands alors que les premiers valaient sept fois moins que les seconds.

Un autre élément qui a été source d’inquiétudes, a été la démission de Jürgen Stark, ancien secrétaire d’Etat aux finances d’Helmut Kohl et l’un des pères du Pacte de stabilité, a la BCE. Pour certains, son départ laisse de l’espace aux secteurs moins ultralibéraux et orthodoxes qui siègent à la BCE. Cela permettrait ainsi que la banque européenne continue d’acheter des obligations nationales des pays les plus affectés par la crise [11] . D’autres pensent que sa démission a été pensée pour torpiller toute tentative de solution ordonnée et afin de remettre en question l’avenir de la monnaie unique, ce qui est un coup dur pour Sarkozy et Merkel.

En dernière instance, la construction d’une position commune au sein des hautes sphères allemandes dépendra des questions géopolitiques auxquelles nous ne faisons pas allusion dans cet article. Elle dépendra également du degré de résistance que saura opposer la classe ouvrière ã ces différentes solutions capitalistes. Ce qui est certain cependant, c’est que toutes ces solutions mènent droit à la renaissance des nationalismes en Europe.

La crise de l’UE a fait ressurgir la primauté de l’Etat-nation. Ce sont ses frontières qui font obstacle depuis longtemps déjà au développement des forces productives et qui ont mené au cours du siècle dernier ã deux guerres mondiales. C’est ce qui nous fait dire, en tant que marxistes révolutionnaires, que l’unification européenne sous la houlette des bourgeoisies impérialistes était parfaitement utopique. Aujourd’hui cette hypothèse de lecture se traduit concrètement et brutalement dans la réalité.

L’UE, et avant elle la CEE, ébauchée dans un premier temps par les Etats-Unis, avait pour objectif de répondre ã cette contradiction fondamentale : l’opposition entre cette vieille relique du passé qu’est l’Etat-nation et le développement des forces productives. Tant que les questions de sécurité étaient la chasse gardée de l’OTAN et des Etats-Unis, l’objectif était de tirer profit de la prospérité économique et de réguler le marché en créant une bureaucratie bruxelloise apte ã dépasser le nationalisme sans mettre ã mal l’identité nationale. Ce projet, qui a toujours avancé cahin-caha et qui a été recadré à la suite de la réunification impérialiste de l’Allemagne avec une plus grande intégration par rapport à la question des taux d’intérêt (BCE) et des devises (création de l’euro), entre aujourd’hui en contradiction avec la nécessité d’avancer sur d’autres terrains (politique fiscale et budgétaire, compétitivité, etc.). Aucun pays n‘entend en effet céder davantage de terrain volontairement dans le domaine de la souveraineté. C’est en ce sens que l’on peu dire qu’avec la fin de la prospérité, c’est tout un discours performatif sur la nécessité de l’UE qui a disparu, laissant affleurer de plus belle les conflits.

La crise pose la question de comment redistribuer la prospérité en Europe alors que l’euro, comme la zone de libre-échange, se trouvent mis en question. La lutte pour savoir qui va payer la facture, non seulement à l’intérieur de chaque Etat mais également entre les différents Etats, fait obstacle ã toute tentative de coopération entre nations qui pourtant avaient eu tendance ã essayer de se coordonner davantage lors du pic de la crise en 2009. Le fait que les pays les plus puissants comme l’Allemagne essaient de tirer profit de la crise afin de faire peser le gros de la facture sur des pays impérialistes plus faibles, pose une autre question. La Grèce, le Portugal, pour ne pas parler de l’Etat espagnol et de l’Italie, vont-ils se laisser semi-coloniser sans opposer la moindre résistance ? C’est-là un des terreaux pour que ressurgisse le cancer du nationalisme. Certes la poussée nationaliste et chauvine n’en est qu’à ses débuts mais le processus d’accumulation de rancœurs et de haines a commencé, laissant présager le pire si les pages les plus sombres de l’histoire européenne en venaient ã se rouvrir.

Pour stopper net cette dynamique, il est fondamental que les travailleurs embrassent une perspective et un programme clairs face à la crise de l’Europe du capital. Un programme qui leur permette non seulement de conquérir l’unité au sein de notre classe face au poison de la xénophobie qui divise les ouvriers entre « nationaux » et immigrés, mais aussi afin de gagner à leur combat d’autres secteurs sociaux comme les petits artisans, les petits commerçants et les petits épargnants. Ces derniers, dans leur désespoir face aux sursauts de la crise, s’ils ne sont pas gagnés par les travailleurs pourraient devenir la base sociale des tendances les plus réactionnaires. Ce programme doit avoir comme axe central la revendication d’Etats-Unis Socialistes d’Europe. C’est la seule perspective progressiste face aux deux plans bourgeois en discussion par rapport à l’avenir de l’UE [12] : l’un prévoyant de renforcer les institutions de l’UE pour « sauver l’Europe » ; l’autre envisageant plutôt de créer une UE ã deux vitesses avec un noyau fort autour de l’Allemagne, des Pays-Bas, de l’Autriche et d’autres pays du Nord et un noyau méditerranéen faible (ce qui est le plan des partisans d’options plus unilatérales). Face ã ces deux plans qui, par des chemins différents, ne font que renforcer les tendances nationalistes, les Etats-Unis Socialistes d’Europe sont la seule alternative progressiste.

Contre tous les plans d’austérité, les licenciements, baisses de salaire et toutes les tentatives visant ã faire payer la crise aux travailleurs ! Que la crise soit payée par ceux qui l’ont créée : expropriation des banques privées sans indemnité et nationalisation du crédit sous contrôle des travailleurs !

Dans le cadre de l’agitation propagandiste pour les Etats-Unis Socialistes d’Europe, il faut trouver les revendications les plus immédiates capables de déclencher la mobilisation des travailleurs contre les gouvernements en place et les programmes de l’UE.

Face au cri des « indignés » de la Puerta del Sol ã Madrid, de la Place Catalunya ã Barcelone ou de la Place Syntagmata ã Athènes, demandant l’annulation de tous les plans d’austérité, des licenciements, des réductions de salaires, on doit avancer l’idée qu’il nous faut un programme qui aille jusqu’au bout, un programme qui n’épargne pas une fraction du capital contre une autre, ni un pays européen contre un autre, mais qui attaque les intérêts du grand capital dans son ensemble.

La dénonciation du rôle joué par les banques et les Etats ã travers leurs plans de sauvetage honteux doit servir à les remettre globalement en question. Face ã cette politique de classe qui n’a servi qu’à maintenir le bloc néolibéral parasitaire en aggravant la crise, seule la nationalisation des banques, sous le contrôle des travailleurs et sans indemnisation, élément de la lutte pour un gouvernement des travailleurs, pourra permettre une planification réelle de l’économie en fonction des besoins des travailleurs et l’octroi de crédits bon marché pour les petits producteurs. Cette perspective ne peut que s’accompagner du mot d’ordre d’expropriation des grandes entreprises capitalistes, ã commencer par l’ensemble des groupes du CAC 40.

Il s’agit-là de traduction actuelle du Programme de Transition, bien différente de l’interprétation qu’en font ses épigones pseudo-réformistes comme nous le traitons plus bas (voir encadré). Le Programme de Transition, synthétisant les combats et les expériences de la lutte contre la Grande Dépression des années 1930, souligne combien « afin de réaliser un système unique d’investissement et de crédit, selon un plan rationnel qui corresponde aux intérêts du peuple tout entier, il faut fusionner toutes les banques dans une institution nationale unique. Seules l’expropriation des banques privées et la concentration de tout le système de crédit entre les mains de l’État mettront à la disposition de celui-ci les moyens nécessaires réels, c’est-à-dire matériels et non pas seulement fictifs et bureaucratiques, pour la planification économique. L’expropriation des banques ne signifie en aucun cas l’expropriation des petits dépôts bancaires. Au contraire. Pour les petits déposants, la banque d’Etat unique pourra créer des conditions plus favorables que dans les banques privées. De la même façon, seule la banque d’État pourra établir pour les agriculteurs, les artisans et les petits commerçants des conditions de crédit privilégiées, c’est-à-dire ã bon marché. Néanmoins, plus important encore est le fait que toute l’économie, avant tout l’industrie lourde et les transports, dirigée par un état-major financier unique, servira les intérêts vitaux des ouvriers et de tous les autres travailleurs. Cependant, l’étatisation des banques ne donnera ces résultats favorables que si le pouvoir d’État lui-même passe entièrement des mains des exploiteurs aux mains des travailleurs ».

Dans ce contexte, en mettant au centre un programme comme celui-ci, nous devons participer ã toute lutte progressiste, aux luttes des « indignés » comme aux bagarres syndicales, en reprenant la consigne d’« annulation de la dette », mais en disant clairement que notre objectif n’est pas de réformer le capitalisme mais de profiter de cette crise historique pour s’affronter à lui consciemment. [13] Seule une mesure de ce type peut empêcher que ce soient les travailleurs qui payent « leurs » dettes et « leur » crise. Seule une mesure de ce type peut protéger réellement l’épargne des petits épargnants face à la perspective de la confiscation de celle-ci en cas de faillite des banques et détruire par là même la tyrannie du capital financier.

C’est pour cela que le CCR lutte pour que le NPA lance immédiatement une campagne pour l’expropriation des banques privées et la nationalisation du crédit sous gestion des travailleurs (ce qu’implique évidemment que l’on annule la dette de ces institutions avec l’Etat qui les nationalise), comme partie intégrante de la lutte pour les Etats-Unis Socialistes d’Europe.

Cette campagne doit être accompagnée de la consigne de la défense inconditionnelle partout en Europe des droits et des acquis que la classe ouvrière a obtenus. Nous devons pousser à l’unification des luttes contre l’austérité ã échelle européenne, en imposant aux Confédérations syndicales la lutte pour une grève générale européenne à l’instar des premiers programmes de la Seconde Internationale face à la Guerre avant que les partis sociaux-démocrates ne trahissent les masses en votant les crédits de guerre, permettant la boucherie impérialiste qu’a été la Première Guerre Mondiale. Face à l’exacerbation des haines nationalistes attisées par les bourgeoisies européennes, la renaissance d’un internationalisme prolétarien non seulement programmatique mais également pratique sera de plus en plus fondamental dans la période ã venir.

20/09/2011

 

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