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Fasinpat, l’usine sans patron
04 May 2009 | Entrevue avec Raúl Godoy, secrétaire général du Syndicat des Ouvriers et Employés Céramistes de Neuquén (SOECN) et dirigeant national du Parti des Travailleurs pour le Socialisme (PTS)[[ Entrevue réalisée ã Buenos Aires le 28/08/05.
Fasinpat, l’usine sans patron

Cerámica Zanon, ou encore Zanon sous contrôle ouvrier, ou bien Fasinpat (Fábrica Sin Patrón, Usine sans patron), voilà les noms parmi tant d’autres par lesquels s’est fait connaître, en Argentine, en Amérique latine mais aussi en Europe et en Amérique du Nord l’usine de céramique de la Patagonie argentine. Une usine géante de plus de 450 ouvriers et ouvrières, dont prés de 200 jeunes chômeurs qui ont été intégré à la production avec les mêmes droit et salaire que les travailleurs de l’usine, produisant du revêtement céramique, mais le tout en autogestion ouvrière directe de la production malgré la pression patronale et gouvernementale constante qui ne supporte pas que ce symbole vivant du « si on peut diriger une usine, on peut diriger un pays » reste encore sur pied.

On connaît en revanche généralement moins le syndicat combatif qui a été à la tête du processus de Zanon, le Syndicat des Ouvriers et Employés Céramistes de Neuquén (SOECN). Son rôle, après que la direction actuelle du syndicat a chassé de sa tête l’ancienne direction syndicale bureaucratique aux mœurs mafieuses et à la politique pro-patronales, a pourtant été exemplaire ; ã tel point que les travailleurs du SOECN ont décidé en juillet dernier, au cours d’une assemblée générale exceptionnelle d’inscrire dans les nouveaux statuts réformés de leur syndicat toutes les avancées réalisées en terme d’autonomie ouvrière et d’indépendance de classe depuis 1998 afin qu’il servent d’exemple non seulement pour la classe ouvrière argentine dont les bataillons les plus importants recommencent à lutter, mais également afin qu’il serve d’éclairage pour la classe dont il se revendique, le prolétariat international.

Cette discussion autour du rôle du salariat dans la production et les services, les enjeux de l’indépendance et l’autonomie de classe, la lutte contre la bureaucratie syndicale pour garantir les victoires des bagarres aujourd’hui et les changements de demain, bref, le débat autour de ce que l’on appelle dans ce pays le « classisme » parcoure plus que jamais l’avant-garde ouvrière argentine. Quoi de plus actuel ici également en France après la trahison de la lutte héroïque des maris de la SNCM et le combat que sont en train de mener les traminots de la RTM ? Ce sont ces enjeux dont nous a parlé au cours d’une entrevue l’actuel secrétaire général du SOECN, Raúl Godoy.

Mais avant de lui céder la parole et passer aux extraits les plus représentatifs des nouveaux Statuts du syndicat, nous invitons les lecteurs intéressés ã visiter notre page web, www.ft-europa.org, sur laquelle figurera bientôt un article sur le mouvement de novembre dans les banlieues. Nous en profitons également pour signaler la parution prochaine du cinquième numéro de Stratégie Internationale, revue en langue français de la FTQI, avec notamment le Manifeste International de notre courant, son Manifeste Européen ainsi qu’un article sur l’impact du « Non » en France et en Europe après le vote du 29 mai.

Le Comité de rédaction de Stratégie Internationale, novembre 2005.

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« Il faut doter les travailleurs des instruments nécessaires pour qu’au-delà des dirigeants ponctuels, le mécanisme de décision soit aux mains des travailleurs eux-mêmes »

Entrevue avec Raúl Godoy, secrétaire général du Syndicat des Ouvriers et Employés Céramistes de Neuquén (SOECN) et dirigeant national du Parti des Travailleurs pour le Socialisme (PTS) [1].

 Si l’on tient compte du fait que les directions syndicales sont complètement enkystées et intégrées au sein du système capitaliste, avec la direction du syndicat national auquel est affilié le SOECN liée à la CGT nationale [2], est-il possible dans le contexte actuel de former des syndicats classistes, combatifs et indépendants, surtout si l’on tient en compte que le panorama a beaucoup changé depuis la fin des années soixante et les années soixante-dix, l’âge d’or du « classisme » argentin ?

Cela n’est pas seulement possible, mais avant tout nécessaire. C’est réellement nécessaire car aujourd’hui les travailleurs de différents secteurs recommencent ã se bagarrer, ã reprendre confiance dans leurs propres forces et à livrer des batailles qui ont ã voir dernièrement avec des luttes pour des augmentations de salaire après des années au cours desquelles ce qui dominait c’était avant tout la pression économique et la peur du chômage [3]. Les travailleurs dans leur ensemble ne se bagarraient pas. Ils étaient sur la défensive et cela bien évidemment grâce à la complicité de la bureaucratie syndicale.

Aujourd’hui on assiste ã des processus combinés. Les gens commencent ã se bagarrer et ã reprendre à leur compte la méthode de l’assemblée de base. On peut même voir –même si ce n’est que pur discours- la bureaucratie syndicale dire qu’il faut avoir recours aux assemblées pour prendre n’importe mesure. La raison principale de ce virage c’est le fait que les travailleurs recommencent ã se bagarrer avec cette méthode : augmentation de salaire, mais aussi assemblée de base.

Néanmoins, dans plusieurs cas, certains syndicats ont été récupérés par des directions combatives, par des directions indépendantes et ainsi de suite. Ces directions ont duré un certain temps à la tête des syndicats et par la suite la bureaucratie syndicale est revenue, comme si de rien n’était, et les syndicats ont recommencé ã être pareils qu’avant. Ce que nous défendons, c’est qu’après avoir récupéré un syndicat, nous devons révolutionner ses statuts, faire que toutes les avancées réalisées aient la force de la loi. Cela a ã voir avec l’indépendance syndicale vis-à-vis du patronat, de l’Etat, de la bureaucratie syndicale, cela a ã voir avec la démocratie directe structurée autour des assemblées de base, cela a ã voir, dans le cas du Statut céramiste, avec la liberté de tendance de tous ceux qui défendent les travailleurs, avec la rotation aux postes de direction afin qu’aucun dirigeant ne reste assis dans un fauteuil éternellement, pour que tout dirigeant retourne ã son poste de travail, ã sa machine, cela a ã voir avec le fait qu’aucun dirigeant ne peut toucher plus qu’aucun autre ouvrier moyen. C’est des choses élémentaires, basiques, mais c’est des enjeux très profonds. En tant que direction classiste, nous nous devions de fixer tout cela. Le discours et même parfois la pratique ne suffisent pas. Il faut fixer ces idées dans des organismes nouveaux, dans des organismes qui répondent ã ce qu’il y a de plus profond au sein de la classe ouvrière. C’est ce que nous avons voulu souligner avec le nouveau Statut.

Pour résumer, ce n’est pas simplement une possibilité dans le cadre de ce renouveau des luttes, mais une nécessité extrême. Tout ce que l’on récupère aujourd’hui, on risque de le perdre demain si la bureaucratie contre-attaque, si le gouvernement contre-attaque. Il faut doter les travailleurs des instruments nécessaires pour qu’au-delà des dirigeants ponctuels, le mécanisme de décision soit aux mains des travailleurs eux-mêmes. Cela a généré beaucoup de débat dans de nombreux secteurs, mais c’est précisément ce que nous voulions : apporter au débat sur le regroupement des travailleurs de vieilles idées qui ont une énorme actualité.

 Par rapport ã ces “vieilles idées” auxquelles tu fais référence, je souhaitais savoir comment vous aviez articulé les différentes sources d’inspiration que vous revendiquez, à la fois l’expérience des ouvriers de Zanon elle-même ainsi que diverses expériences historiques, que ce soit les statuts de la CGT péruvienne ou ceux de l’UGT espagnole de 1932. Comment cela vous est-il venu à l’esprit de combiner votre expérience pratique et l’héritage de la classe ouvrière internationale ?

La combinaison de ces deux courants dont naît le Statut, c’est en réalité les deux courants qui ont été à l’origine de toute la politique ã Zanon. (…) D’un côté, il y a la pratique et les nécessités immédiates des travailleurs, et dans le cas du Statut c’est la pratique systématique que nous avons tout au long de ces années [qui nous a inspiré]. D’un autre côté, afin d’élaborer le Statut, nous ne trouvions l’exemple d’aucun syndicat dans l’actualité qui ait ce type de fonctionnement. C’est pour cela que nous avons dû nous référer ã de lointaines années, à la CGT péruvienne ou à l’UGT espagnole (…). A l’époque, ces deux expériences s’inscrivaient dans un processus de mouvement ascendant de la classe ouvrière au cours duquel l’expérience quotidienne que faisaient les travailleurs se combinait aux idées du marxisme que différentes organisations défendaient. A Zanon c’est la même chose qui a eu lieu. J’ai apporté, dans mon cas, mon idéologie marxiste révolutionnaire, trotskyste, et cette combinaison s’est faite dans la pratique et au sein de la conscience existante parmi les ouvriers de Zanon, usine régie par le principe de la démocratie directe.

Pour rédiger le Statut, nous avons consacré un mois et demi à la discussion. Des brouillons circulaient dans l’usine, avec des assemblées de base dans chacune des quatre usines de la province, ainsi que des réunions ouvertes de délégués au local du syndicat pour que tous les ouvriers puissent venir également. Cela a donné lieu ã un processus de discussions et ã des polémiques intéressantes. Le Statut a été voté au bout du compte, avec une majorité et une minorité, des oppositions dans certains cas où cela s’est joué ã une voix prés. Mais c’est ce qui fait que le Statut est extrêmement fort, car il a été très discuté et débattu.

 J’ai peut-être pensé ã cela en raison du renouveau de la lutte de classe en Bolivie, mais lorsque vous dites dans votre nouveau Statut que le syndicat doit être non seulement un instrument au service des travailleurs du SOECN mais également un outil au service de l’ensemble des travailleurs en général et de tous les opprimés, j’ai immédiatement pensé à la COB de 1952 [4]

C’est vrai. En principe, si l’on s’en réfère aux origines, un syndicat c’est une organisation qui bataille pour des conditions d’exploitation meilleures auprès du patronat. Aujourd’hui, en pleine crise, on voit bien que seule la lutte syndicale ne suffit pas. La lutte contre le patronat, chacun dans son usine, ça ne suffit pas. La politique économique n’est pas définie dans l’entreprise mais dans les bureaux des ministères. C’est ainsi que l’on a commencé ã comprendre, et cela vaut pour l’ensemble des travailleurs, qu’une lutte politique est également nécessaire. Et afin de mener cette lutte politique, on ne peut pas se contenter du cadre étroit du syndicalisme. Il faut ouvrir en grand les portes des syndicats à l’ensemble des travailleurs ainsi qu’à leurs alliés bien entendu.

De ce point de vue, le Statut fait également ressortir la nécessité de coordination et de regroupement entre travailleurs en activité et travailleurs au chômage, ainsi que la nécessité de bagarrer pour la coordination et en front unique avec les secteurs étudiants. C’est ce que nous avons d’ailleurs fait depuis le début. Nous avons appelé cela « le pacte ouvrier universitaire ». Nous l’avons forgé avec l’Université Nationale du Comahue de Neuquén. Nous nous bagarrons pour la défense de l’enseignement public et pour une université au service des travailleurs et du peuple et les étudiants, enseignants et personnels non enseignant ont appuyé le contrôle ouvrier de Zanon et ont apporté leurs connaissances [5].

Le syndicat est ouvert, il combat pour la coordination, pour le front unique, c’est-à-dire qu’il ne se limite pas ã ce que la bureaucratie syndicale appelle les « corps organiques ». (…) Les vrais lieutenants organiques de la bourgeoisie ce sont eux, les directions verticales de la CGT et de la CTA lorsqu’elles doivent prendre des décisions, lorsque deux ou trois dirigeants qui n’ont rien ã voir avec les travailleurs sont ceux qui négocient notre futur, la valeur de notre force de travail et parfois même nos propres licenciements. Le SOECN essaie d’être l’exact opposé. Nous prétendons que le SOECN soit un outil qui soit utilisé par la base, par les travailleurs, afin de lutter non seulement pour des revendications ponctuelles dans l’usine mais également contre ce système d’exploitation de l’homme par l’homme. Voilà l’horizon. Même si ce sentiment est loin d’être généralisé parmi la classe ouvrière dans le pays, il nous semble qu’un détachement avancé de la classe tels que les ouvriers de Zanon et un syndicat combatif comme le SOECN se doivent de tendre vers cet horizon. C’est là la perspective que la plupart des camarades défendent dans les quatre entreprises céramistes de la Province et que nous entendons partager afin d’apporter ce débat au sein du reste des organisations dans le pays.

 Le SOECN entend lutter contre l’exploitation de l’homme par l’homme et une société où il n’y ait plus ni exploiteurs ni exploités ?

Nous entendons construire un syndicat qui soit une arme de combat et dont l’horizon soit la lutte contre l’exploitation de l’homme par l’homme. Cela peut sembler être une question élémentaire, mais pour nous c’est fondamental, car c’est la base de ce que nous appelons le classisme : le prolétariat est la classe qui doit rompre les chaînes de cette société en tant que sujet et sera également la base d’une nouvelle société. Cela a été un apport de notre part [PTS] mais que les ouvriers, au cours du débat, ont vu d’un bon œil car cela a ã voir avec l’expérience de l’usine elle-même, c’est-à-dire presque sept années d’une lutte qui a commencé par la dénonciation sans relà¢che du patronat. Si ce n’avait pas été les travailleurs eux-mêmes qui avaient participé à l’ensemble de cette expérience, le contrôle ouvrier, cette idée n’aurait pu être acceptée. Pour les travailleurs, il ne s’agit pas d’une utopie mais cela est ressenti comme une nécessité et une réalité concrète. Sans avoir mené eux-mêmes cette expérience, les ouvriers n’auraient pas pu prendre en charge la production, la distribution, rentrer en rapport avec d’autres secteurs sociaux. C’est ce qui est arrivé par exemple avec d’autres secteurs sociaux, avec les communautés mapuches par exemple, tout en respectant leur culture. Cela a été également le cas avec l’Université, ou avec des artistes puisque les travailleurs ont mis l’usine au service de la créativité d’artistes indépendants du patronat.

La démocratie ouvrière libère la créativité, elle libère également la pensée, pas seulement le jugement critique mais également la pensée créative dans son ensemble. Dans les faits, ã partir du moment où nous avons commencé ã occuper l’usine et à la faire produire nous-mêmes, des ouvriers de laboratoire ont commencé ã créer de nouveaux modèles, ils ont commencé ã penser ã de multiples possibilités de production librement, une chose qui aurait été impossible auparavant sous le joug patronal ou des agents de maîtrise, tout était ultra mécanique, ultra vertical, on obéissait ã des ordres. Tout cela a radicalement changé maintenant, et les camarades peuvent apporter énormément ã partir de là où ils travaillent. L’usine libère des forces, elle libère l’esprit critique des collègues, ils savant qu’ils peuvent décider, discuter, qu’ils sont les sujets de tous les pas en avant que nous faisons ensemble [6].

 Le SOECN ne veut pas seulement être un simple outil de lutte ouvert et solidaire ã niveau régional et national. Dans son Statut, il est précisé que « Le SOECN souligne que la classe ouvrière ne connaît pas de frontières. Nous sommes les frères de tous les travailleurs et peuples opprimés d’Amérique latine et du monde. Nous luttons contre la domination des puissances impérialistes qui pillent le monde entier avec les conséquences que l’on connaît, la faim et les guerres [7] ». Comment s’est répercuté et a grandi l’internationalisme parmi les travailleurs du syndicat ?

C’est un point très important, surtout en Argentine. Ici, la tradition péroniste et de l’ensemble des syndicats liés au péronisme a toujours été très nationaliste. (…) Bien que chez certains parmi nous, l’internationalisme prolétarien faisait partie de notre idéologie, la plupart des ouvriers n’y voyaient pas très clairs à l’origine. Comment cela a pris corps ? D’abord par le biais de notre pratique permanente visant ã développer ces idées, mais cela a également ã voir avec la pratique concrète. La solidarité internationale qui arrivait ã Zanon a fait tomber bien des barrières. Nous recevions des communiqués de solidarité, de l’aide financière pour notre caisse de grève et même des visites de camarades de Bolivie, Chili, Brésil, Mexique, mais cela est allé en s’étendant par la suite, avec des gens qui venaient des Etats-Unis, d’Italie, de France, d’Espagne, d’Allemagne, etc. Les collègues ont commencé ã se demander « qu’est-ce que ce yankee peut bien venir faire ici ? », ou encore « et ce Français-là  » (ici Gamuzzi, qui fournit le gaz [nécessaire pour faire fonctionner les fours ã très haute température], appartient à la multinationale française, GDF). C’est alors qu’ils ont commencé ã voir que dans tous ces pays il y a des travailleurs qui luttent contre leurs gouvernements et des travailleurs disposés ã appuyer la lutte des peuples opprimés. De cette façon, la pratique d’un côté et la lutte politique de l’autre ont donné lieu ã cette combinaison, que les camarades ont commencé ã voir d’un bon œil, même si au début c’était difficile. Aujourd’hui tout cela est naturel, ça fait partie des ouvriers. C’est un apport énorme pour les travailleurs pour renouer avec la vieille tradition de l’internationalisme, comme dans les années Soixante-dix. C’est la bourgeoisie et la bureaucratie syndicale qui ont dit chaque ouvrier dans son pays. En réalité, les travailleurs, on n’a pas de patrie.

 Lorsque le Statut fait allusion au droit des peuples opprimés ã exercer leur droit à la souveraineté et à l’indépendance nationales, cela a ã voir avec ce qui se passe notamment au Proche et Moyen Orient ou en Afghanistan ?

Le SOECN a été un des principaux moteurs des manifestations qui ont eu lieu ã Neuquén, contre la guerre et pour la défaite de l’impérialisme en Afghanistan et en Irak. Dans le reste du pays, des délégations du syndicat ont également participé ã différentes manifestations anti-guerre. Nous pensons que la lutte des travailleurs, c’est également celle des peuples opprimés, notamment contre l’impérialisme qui pille nos pays, déclare les guerres, envahit, et laisse derrière lui des dizaines de milliers de morts et sème la famine de part le monde.

 Tu parlais auparavant du rôle idéologique du péronisme au sein du mouvement ouvrier. Tu dis également que le moment clef de la bureaucratisation des syndicats en Argentine remonte à l’époque du premier gouvernement de Perón dans les années 1940 [8]. Tu penses que le nouveau Statut du SOECN contribue, au-delà de Neuquén, à la dynamique nécessaire de rupture que doit opérer la classe ouvrière argentine avec son tuteur traditionnel, le justicialisme ?

L’idée de base, c’est de donner au SOECN un caractère lutte de classe, c’est-à-dire souligner clairement que la libération des travailleurs sera l’oeuvre des travailleurs eux-mêmes. Cela implique par conséquent de montrer que nous ne pouvons faire confiance en aucun secteur de la bureaucratie et encore moins du patronat, que c’est donc nécessaire de lutter pour une perspective du point de vue de la classe ouvrière. Tout part de là , ã commencer par notre pratique. Cela fait partie de la présentation du Statut, tous les combats que nous avons menés contre les différents gouvernements ici en Argentine, soit six présidents différents contre lesquels ont a dû se bagarrer. Un autre point important également que nous défendons au sein du syndicat c’est la liberté de tendance, de toutes les tendances qui défendent la classe ouvrière. Ces définitions sont très importantes, basiques, élémentaires, mais pour nous c’est des points de départ afin de changer cette logique qui consiste ã faire confiance dans un patron, un militaire patriote, un parti bourgeois, ou des bourgeois en général, ou leurs représentants. C’est ce qui apparaît clairement dans le Statut. C’est vrai qu’il n’y a pas de définitions plus précises au sujet du péronisme, mais une définition générale des partis bourgeois dans leur ensemble, au-delà de leur étiquette.

 Tu dis que pour résister à l’offensive patronale, le cadre étroit du syndicalisme ne suffit pas. C’est pour cela que le SOECN s’est battu pour se transformer en un syndicat classiste et combatif. Mais un syndicat révolutionné suffit-il pour changer la société ou faut-il construire des instances supérieures ?

Bien entendu qu’il faut construire des instances supérieures. Sur ce point, en tant que militants du PTS nous avons un point d’accord important avec un secteur du syndicat, c’est un point sur lequel nous sommes conscients qu’il faut avancer, et c’est pour cela qu’il existe un débat ouvert ã ce sujet-là au sein du SOECN. Il faut construire un instrument politique des travailleurs, c’est-à-dire que les travailleurs aient leur propre parti, leur propre organisation, avec liberté de tendance en son sein, basé sur les organisations ouvrières. Un parti sur lequel il existe un contrôle de la base des organisations ouvrières. Nous considérons que c’est un point de débat important sur lequel il faut avancer, mais disons que la plupart des dirigeants du SOECN comprennent bien que nous sommes en retard sur ce point.

Le problème également c’est qu’il n’y a pas beaucoup de syndicats récupérés avec lesquels nous pourrions ouvrir ce débat. Ce que nous voyons, c’est qu’il existe des Commissions Internes ou des syndicats combatifs, mais ils se maintiennent, ã notre avis, excessivement dans le cadre étroit du syndicalisme combatif et cela ne permet pas d’avancer dans la discussion politique de fond. Mais il faut continuer ã bagarrer sur ce point, ce qui est sûr c’est que le SOECN ne peut pas mener le débat tout seul.

Au sein du syndicat, nous sommes un certain nombre également ã penser qu’il nous faut beaucoup plus, qu’il nous faut un parti révolutionnaire, pas simplement un parti des travailleurs qui ait comme délimitation centrale l’indépendance de classe mais un parti qui ait pour stratégie la prise du pouvoir et la révolution, et cela pas simplement d’un point de vue national mais également international. C’est sûr qu’à mesure où le cadre du débat est posé, nous cherchons des éléments de convergence pour avancer avec l’ensemble de l’organisation syndicale. Nous sommes tous conscients que le SOECN tout seul ne suffit pas. Il nous faut commencer par bagarrer pour la coordination ouvrière ã niveau national. Cela commence par la coordination des luttes, par l’appui des luttes, mais parallèlement cela ouvre un débat autour de quel type d’organisation ont besoin les travailleurs, de quel programme de revendications nous avons besoin, et comment ã partir de là on rentre dans la discussion politique de fond. La coordination pour laquelle nous nous battons ne prône pas simplement la solidarité pendant les conflits, mais cherche également ã poser la question de quel type d’instrument nous avons besoin nous autres les travailleurs. C’est la bagarre que nous devons affronter aujourd’hui, c’est la plus difficile aussi, regrouper les forces classistes, combatives, mais c’est la tâche à laquelle nous nous attelons.

 Tu as souligné qu’il y avait eu en Argentine des processus de lutte intéressants pour des augmentations salariales menées par des directions syndicales combatives. Les exemples paradigmatiques de ces dernières bagarres sont sans doute la lutte du Garrahan et celle des travailleurs du métro de Buenos Aires. Mais pourquoi l’idée même d’avancer vers la construction d’une instrument politique des travailleurs n’avance pas plus vite avec ces directions ?

Nous faisons face ã plusieurs débats. Avec les camarades du Garrahan, nous avons plus d’accords, tout comme avec ceux de la Commission Interne de Pepsico Snacks, ou d’autres courants syndicaux. On constitue comme un bloc, nous sommes organisés au sein du journal que le SOECN impulse, Nuestra Lucha [9]. Mais ce que nous voyons surtout, comme par exemple avec le Corps de Délégués du métro de Buenos Aires, c’est que certains courants s’occupent plus ã combattre les partis d’extrême gauche que ceux contre qui on devrait se bagarrer, l’appareil de l’Etat, le patronat, la bureaucratie syndicale et tout le reste. Même s’il s’agit de camarades indépendants de la bureaucratie, du patronat et de l’Etat, cela devrait se traduire dans quelque chose de concret. Voilà le débat auquel on fait face. Ils voient la nécessité de concrétiser cela en termes génériques, mais ils disent que ce n’est pas encore le moment juste, qu’il faut attendre. Pour nous il s’agit d’une idée que nous devons commencer ã défendre maintenant, qu’on est plutôt à la traîne sur ce point, c’est un retard qui fait le plus grand tort à la classe ouvrière argentine : dépendre d’un parti comme le Parti Justicialiste [péroniste], dépendre ou faire confiance tout le temps dans un bourgeois. Pour nous, c’est une discussion qu’il faut mener de front.

En dépit de ces divergences, nous ne continuons pas seulement ã nous bagarrer en permanence pour la coordination et en faveur d’espaces ouverts à la discussion et au débat. Mais nous sommes également à la traîne sur d’autres front, comme par exemple pour organiser la Seconde Rencontre Nationale pour la Coordination Ouvrière. Au cours de la Première Rencontre, on était tous là , environ mille camarades ouvriers et salariés, délégués de tout le pays. Mais il y a un manque de volonté politique de certaines organisations pour respecter la motion votée le 2 avril [2005]. Nous nous battons beaucoup, ã partir de Zanon et du SOECN pour que la Seconde Rencontre ait lieu et que l’on puisse avancer vers le regroupement avec tous ces secteurs ouvriers. Et aujourd’hui c’est plus urgent que jamais, justement par rapport ã ce qui se passe au Garrahan, par rapport ã ce qui se passe ã Zanon, par rapport ã différents secteurs où des directions antibureaucratiques ont pris pied ; mais une chose est sure, si l’on reste chacun de notre côté, on sera isolés nationalement.

 Mais pourquoi y a-t-il tant d’hésitations chez certaines organisations qui ont participé à la Rencontre d’avril et qui ne font pas tout ce qui est possible pour que se réalise la Seconde ?

Le problème c’est que chacun de ces secteurs pris isolément a des projets distincts. Dans le cas des courants politiques qui ont participé en avril à la Rencontre avec des délégués, comme le Polo Obrero [10] ou Teresa Vive [11], il sont aujourd’hui plongés dans processus électoral [12], et ã notre avis avec une politique assez sectaire ou opportuniste [13]. Dans le cas des autres secteurs, comme le corps de délégués du Métro, ils défendent la perspective d’un courant intersyndical génériquement classiste mais pur et libre de toute influence des partis d’extrême gauche. Cela nous semble être une erreur énorme dans la mesure où c’est une proposition sectaire et limitante. Si une organisation qui prétend être une alternative pour l’ensemble des travailleurs commence en se fondant sur des présupposés quasi maccarthystes ou une politique qui ne respecte pas la démocratie ouvrière (parce que la liberté de tendance a ã voir avec la démocratie ouvrière), c’est impossible de faire quoi que ce soit. La démocratie ouvrière ça ne se limite pas simplement à la manière dont on vote chacune des mesures en assemblée. (…)

Chacun a donc choisi de suivre son propre chemin. C’est une grave erreur parce que chacun peut maintenir sa chasse gardée alors qu’aller ã un débat franc, en commun, c’est une nécessité. C’est ce que nous avons voté en assemblée tant dans les usines de Neuquén qu’au sein du SOECN, la nécessité d’une coordination ã niveau national. C’est dur pour nous de mener cette bagarre depuis Neuquén dans la mesure où le centre politique se situe plutôt ã Buenos Aires, mais bon, c’est pour cela que nous faisons l’aller retour en permanence, pour présenter des lettres, des convocations, etc.

 Tu n’es pas simplement un des dirigeants du SOECN, mais également dirigeant national du Parti des Travailleurs pour le Socialisme (PTS) [14]. Tu dis d’ailleurs, en citant Gramsci, que le caractère révolutionnaire d’un parti se mesure en fonction de ce qu’il apporte ã sa classe [15]. En ce sens, qu’a apporté le PTS à la lutte de Zanon ?

L’apport du PTS a été programmatique, stratégique et tactique tout au long du conflit. Bien entendu, certaines personnes nous posent la question en visitant Zanon : « tout ça c’est le PTS qui l’a fait ? ». Non, et mille fois non. Le PTS a fait partie organiquement de tout le processus qu’ont mené les travailleurs qui faisaient leur expérience. Nous, ce que nous avons fait, c’est alerter systématiquement des dangers et des risques, par rapport au ministère du Travail par exemple, qui est un organisme pro-patronal, par rapport aux différents gouvernements, à la bureaucratie syndicale. Nous avons apporté des méthodes également : la démocratie directe, la prise de décision en assemblée de base, la révocabilité des dirigeants. Lorsque nous avons commencé ã poser, face au patronat et ã tout le peuple de Neuquén, le problème de l’ouverture des livres de comptabilité, l’idée du contrôle ouvrier et de la gestion ouvrière directe, toutes ces idées sont nettement trotskystes. Elles font partie de notre programme, du programme que le PTS propose pour la totalité de la classe.

De ce point de vue, la plupart de ces idées a pris corps parmi les travailleurs. D’ailleurs certains camarades ouvriers encartés nulle part me disent : « bon, tout ça c’est des idées de ton parti, mais maintenant elles sont ã nous », et bien tant mieux, c’est ça l’objectif, on ne fait pas payer de droits d’auteur. Lorsque les ouvriers comprennent ces idées, ils les prennent ã bras le corps et les adoptent, le programme acquiert une force énorme et la lutte des travailleurs acquiert également une force énorme en fonction du programme qu’ils adoptent. Dans le cas de l’élaboration des Statuts, c’est la même chose qui est arrivée. Le fait qu’un dirigeant ne puisse toucher plus qu’un ouvrier, la rotation aux charges de direction, la révocabilité, c’est-à-dire qu’une assemblée puisse démettre un dirigeant, tout cela ce n’est pas nous qui l’avons inventé, c’est la pratique des soviets, et même sans connaître l’histoire, les ouvriers de Zanon sentent que cela fait partie du patrimoine de notre classe.

En dernière instance, un parti n’est que la synthèse de la pratique révolutionnaire des travailleurs, de ce qu’il y a de plus avancé au sein de l’avant-garde. Le programme ne sort pas de la tête d’un génie mais c’est le produit de la synthèse de l’expérience historique de la lutte des classes. Voilà en gros ce que nous avons apporté, et ã notre avis ça a été fondamental. D’autres courants, d’autres tendances qui se revendiquent trotskystes sont intervenus dans d’autres phénomènes, d’autres usines, mais malheureusement tout cela n’a jamais été défendu jusqu’au bout. Nous essayons également que les camarades ne considèrent pas Zanon comme le summum, comme le nec plus ultra, ni même comme beaucoup qui disent « Zanon c’est le socialisme ». Non, mille fois non. On ne peut pas construire le socialisme dans un seul pays, alors encore moins dans une usine. (…) Ou la situation dans son ensemble change, ou Zanon isolé devra planter des drapeaux le plus loin possible. Il faut être conscient de cela, parce que nous ne singeons pas la théorie, ni les consignes, ni le programme.

 Il y a quelques mois, l’avocat Luis Caro, dirigeant du Mouvement National d’Usines Récupérées par les Travailleurs (MNFRT) a accordé une interview au quotidien de gauche italien Il Manifesto [16]. Il y critiquait le radicalisme de Zanon et son isolement supposé. Quel bilan rétrospectif fais-tu du processus de récupération d’usines en Argentine depuis 2001, en prenant en compte que les deux directions principales du réseau de coopératives, le MNFRT et le Mouvement National d’Entreprises Récupérées (MNER) dirigé par Eduardo Murúa soutiennent aujourd’hui le gouvernement Kirchner [17] ?

Pour commencer, nous sommes loin d’être isolés. S’il y a bien quelque chose que Zanon démontre, c’est que c’est l’usine la moins isolée du pays. C’est la seule usine récupérée pour laquelle il y ait eu une grève provinciale de tous les secteurs, santé, enseignants, étudiants, piqueteros, avec plus de cinq mille travailleurs confluant vers les porte de l’usine [18]. C’est une usine qui reçoit des demandes en permanence, de tous les secteurs, qui a construit un centre de santé pour un tout quartier, qui a reçu un appui national et international. Ce qui est sûr, c’est que c’est une usine qui lutte.

En réalité, tout le mouvement des usines récupérées et ses différentes chapelles a pour principe très peu de décision de la base et un poids énorme donné à leurs dirigeants. Dans le cas de Caro, c’est un personnage assez sinistre, il a été sur les listes électorales d’Aldo Rico, un ancien militaire putschiste, c’est un type qui régente les usines plus qu’il ne les représente. Quand on parle du MNFRT et que l’on se rend compte son président c’est aussi l’avocat, qu’il a son bureau dans toutes les usines membres du MNFRT et qu’il passe le plus clair de son temps ã donner des ordres aux ouvriers, cela n’a pas grand-chose ã voir avec la liberté pour laquelle ont combattu les ouvriers pendant parfois très longtemps.

De ce point de vue, le débat est clos depuis un certain temps parce que c’est l’expérience même qui l’a clos. Zanon aujourd’hui, c’est ce que c’est, alors que malheureusement beaucoup d’usines récupérées aujourd’hui se trouvent dans de très mauvaises conditions économiques. Pour beaucoup d’usines qui avaient réussi ã arracher l’expropriation transitoire, les contrats arrivent ã nouveau ã terme. Dans de nombreux cas, ce sont les anciens patrons eux-mêmes qui exigent la faillite à l’envers des coopératives qui ne peuvent payer les traites ni racheter leurs dettes que ces messieurs leurs avocats avaient eux-mêmes contractées [19]. Les médias de droite essaient d’exploiter le filon, en faisant passer cela pour la faillite des coopératives. Mais ce qui a fait faillite, c’est le capitalisme, qui fait que des usines ferment, que les ouvriers se retrouvent sur le pavé, la faillite d’un système qui ne peut même pas faire survivre dignement ses esclaves. Nous avons beaucoup de divergences avec ces mouvements d’usines récupérées. Nous continuons ã souligner que nous ne voulons pas d’une usine pour prendre la place des patrons et se bagarrer sur un marché dans lequel les plus gros dévorent les plus petits, en pensant ã tout d’un point de vue commercial. A Zanon, notre point de vue est social. Nous voulons une usine au service de la communauté, et c’est ce qui a généré tant de soutiens. Ce n’est pas seulement une usine dans laquelle des ouvriers qui ont été mis à la porte on récupéré leur boulot. Le cas de Zanon va bien au-delà . Nous nous bagarrons pour que l’usine soit mise au service d’un vaste programme de travaux publics, qu’elle permettent de construire des HLM, des hôpitaux, des écoles, voilà ce qui fait notre force, qui fait que nous ne somme pas isolés.

Aujourd’hui nous avons le rapport de force suffisant pour maintenir l’usine sous gestion ouvrière mais pas suffisant à l’heure actuelle pour imposer l’expropriation définitive et la nationalisation sous contrôle ouvrier. Voilà la contradiction à laquelle nous faisons face, et pour nous tout cela dépend du rapport de force ã un niveau national et pas simplement des seuls ouvriers de Zanon.

Ces avocats ont fait croire aux ouvriers des usines récupérées qu’ils pouvaient devenir des patrons, ils leur ont vendu cette idée comme si c’était la panacée. Une usine récupérée qui fait des affaires en entrant en concurrence sur le marché capitaliste, ça peut exister, même si ça dépend des rythmes économiques nationaux et internationaux. Mais ce n’est pas le dénominateur commun de toutes le usines récupérées. Et si ce n’est pas le dénominateur commun, alors ça ne sert ã rien à la classe ouvrière. Il ne peut exister d’usine qui fonctionne merveilleusement alors qu’il y a des millions de chômeurs dehors et que la moitié la population vit sous le seuil de pauvreté.

 Si les ouvriers de Zanon ont fait leurs les consignes transitoires des expériences les plus avancées de la lutte de classe, penses-tu qu’il soit possible “d’exporter” les méthodes et la lutte que vous avez menées sous d’autres latitudes ?

Nous sommes une petite usine, le SOECN est un petit syndicat industriel provincial présent sur les quatre usines céramistes, mais malgré tout nous avons eu un retentissement et un écho national et international. C’est nécessaire d’exporter les méthodes de lutte afin de pouvoir comprendre plus en profondeur le combat que nous menons ici, afin que les travailleurs d’ici et d’ailleurs puissent voir qu’aujourd’hui il existe un syndicat qui a les Statuts qui sont les nôtres, que les travailleurs de Zanon sont des ouvriers en chair et en os, que les travailleurs peuvent administrer une usine, et que si l’on peut administrer une usine, on peut diriger un pays.

Mais en tout état de cause, les idées ne peuvent être calquées. On ne peut pas non plus répéter des expériences. Cela aussi se serait une caricature. Mais ce que nous voulons apporter en revanche c’est la méthode et les idées. Après, chaque endroit possède ses propres rythmes, ses propres temps, mais il existe des bornes, des orientations stratégiques communes.

C’est nécessaire de se référer ã des expériences internationales, et de fait c’est ce que nous avons fait nous-mêmes. Nous avons étudier des expériences qui ont connu des sorts divers, avec lesquels on peut avoir bien des divergences mais qui ne sont pas moins des expériences importants. Je pense aux Cordons industriels chiliens, aux expériences en Yougoslavie, au processus qu’a connu le Brésil, ou même à la France, dans le cas de cette fameuse usine de montres dont je ne me rappelle jamais le nom, Lip, je crois. Je me rappelle avoir trouvé un article sur Lip alors que nous étions en pleine occupation de l’usine, je l’ai photocopié et je l’ai passé aux collègues en leur disant, « regardez, c’est ce qui a eu lieu en France » et ils me répondaient « oui, mais c’est dur ». Si nous regardons en arrière aujourd’hui, nous sommes allés beaucoup plus loin, cela fait trois ans et demi que tout cela fonctionne.

Ces expériences historiques qui font partie du patrimoine le plus avancé de la classe ouvrière, je crois que c’est nécessaire de les partager, les discuter et les échanger, parce que ce ne sont pas seulement des idées ou des théories abstraites qui manquent, mais ce qui manque aux travailleurs, mais également aux sceptiques, c’est de savoir que tout ça c’est possible, que c’est une réalité de notre classe, de son histoire.

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Extraits des nouveaux statuts réformés du Syndicat des Ouvriers et Employés Céramistes de la Province de Neuquén (SOECN).

 Préambule

Dans la mesure où le travailleur seul et isolé ne peut se transformer en une force efficace en vue de la défense intégrale de ses droits et intérêts ni pour obtenir des améliorations [de sa condition de vue] auxquelles il a droit en tant que propulseur du progrès humain, il doit chercher aux côtés de ses camarades de classe la force nécessaire qui lui permette de contrer totalement et avec intelligence les prétentions de ceux qui entendent limiter ses droits légitimes.

C’est pour cette raison que le SOECN est un syndicat qui a pour principe et base de travail l’assemblée des travailleurs. Les assemblées d’usine et du syndicat sont la plus haute autorité qui permettent le débat, la confrontation des idées et des opinions ainsi que la résolution démocratique de toutes les décisions que les travailleurs ont ã prendre.

Le SOECN est une organisation syndicale de lutte et de défense des intérêts économiques et sociaux des travailleurs/ses céramistes dans le cadre de la société capitaliste actuelle. Dans la société, il existe une minorité réduite qui profite de tous les avantages du développement économique, social et technologique, alors que l’immense majorité est condamnée à la surexploitation, au chômage et ã des salaires de misère.

La société se développe dans le cadre de la lutte des classes sociales. C’est pour cela que le SOECN reconnaît, s’oriente et se base sur la pratique de la lutte des classes et en fonction des principes du syndicalisme classiste, en conservant une totale indépendance à l’égard de l’Etat et ses institutions, du gouvernement et de toutes les organisations patronales.

Le SOECN souligne que la classe ouvrière ne connaît pas de frontières. Nous sommes les frères de tous les travailleurs et peuples opprimés d’Amérique latine et du monde. Nous luttons contre la domination des puissances impérialistes qui pillent le monde entier avec les conséquences que l’on connaît, la faim et les guerres. La dette extérieure illégale et frauduleuse ou l’immixtion de l’impérialisme contrôlant les principales ressources de la richesse nationale, comme le pétrole et le gaz dans notre région [20], consolident la domination de l’impérialisme sur les instruments et les moyens de production, faisant obstacle au développement national indépendant et souverain.

Le SOECN mène un combat conséquent pour les intérêts légitimes de la classe ouvrière en alliance avec les secteurs populaires, en cherchant ã élever le niveau de conscience des travailleurs et ã construire une société sans exploiteurs ni exploités.

 A propos des dirigeants syndicaux

Décharge syndicale.

Article 23-I. Le SOECN n’aura pas de syndicalistes déchargés ã moins que n’en décide exceptionnellement une assemblée extraordinaire convoquée ã cet effet qui fixera les conditions de la décharge. La durée de la décharge sera définie par l’assemblée et durera aussi longtemps qu’existent les raisons ayant poussé à l’existence d’une telle décharge, mais ne devra pas dépasser six mois. Au terme de la période de décharge, le déchargé devra retourner au travail afin de promouvoir activement le principe de rotation. La rémunération du déchargé sera égale ã celle qu’il percevait en tant que travailleur ã son poste de travail.

Mandat et décharge syndicale.

Article 16. La durée du mandat des membres de la Commission Directive [21] est de trois ans. En partant du principe de la rotation selon lequel tout dirigeant syndical doit retourner ã son poste de travail, les membres du syndicat qui auraient été déchargés ou auraient réalisé des tâches politiques, syndicales ou administratives en dehors de leur poste de travail pendant plus de la moitié du mandat pourront être réélus. Cependant, au cours du mandat suivant, ils ne pourront être déchargés et ne pourront réaliser des tâches politiques, syndicales ou administratives qu’en dehors de leur horaire de travail.

Révocation des mandats.

Article 21. Le mandat d’un ou de la totalité des membres de la Commission Directive pourra être révoqué, sur requête justifiée, par le vote d’une assemblée extraordinaire convoquée ã cet effet si cette assemblée réunit au moins 40% des syndiqués et la révocation est validée par la majorité simple des votants. En cas de révocation de la totalité des membres de la Commission Directive, l’assemblée désignera cinq syndiqués d’au moins deux usines distinctes afin de gérer les affaires courantes et convoquer dans les quarante-cinq jours des élections en conformité avec les dispositions prévues dans le chapitre relatif aux élections. Dans le cas de révocation individuelle, il sera convoqué une assemblée extraordinaire afin de pourvoir les postes vacants. L’assemblée extraordinaire sera convoquée dans les quinze jours.

Démission.

Article 17. Tout membre de la Commission Directive, Commission financière (Comisión revisadora de cuentas) ou d’un Corps de Délégués doit, avant de cesser de travailler dans une des usines, démissionner préalablement de sa charge syndicale (…) [22].

 Proportionnalité

Sur la proportionnalité.

Article 59. Afin de garantir la démocratie et la représentativité syndicale où tous les travailleurs soient représentés, l’élection aura lieu ã bulletin secret de tous les syndiqués (…) ayant au moins trois mois d’ancienneté au moment de l’élection, qui se réalisera selon le système proportionnel de vote D’Hont, avec un quorum de 20%.

Article 67. Seront élus à la Commission Directive les candidats dont les listes auront dépassé un seuil de 20% des suffrages exprimés et ils occuperont un espace en fonction de système proportionnel D’Hont. Ils prendront leur fonction et seront investis par la Junte Electorale dans les cinq jours suivants la proclamation des résultats.

Sur les syndiqués.

Article 6-C. Pourront continuer ã être membres du syndicats les travailleurs licenciés et qui continuent à lutter pour réoccuper leur poste de travail [23].

 Démocratie syndicale

Fins et objectifs du syndicat.

Article 2. La finalité et objectifs du syndicat sont les suivants :
2-C. Adopter les mesures de lutte que le syndicat croit être les plus appropriées (…) en fonction des fins et des objectifs définis dans le cadre du syndicalisme classiste.

2-D. Développer l’organisation sur la base des principes de l’unité, solidarité et une réelle démocratie syndicale, recourrant à l’analyse objective, à la critique constructive et à l’application dans la pratique du syndicalisme classiste. La démocratie syndicale présuppose le droit à la libre expression des positions syndicales et politiques et la pleine liberté des tendances qui défendent les intérêts des travailleurs.

2-I. Destiner un pourcentage des cotisations syndicales afin de constituer un fond de grève permanent.
2-J. Lutter pour l’unité effective entre travailleurs ayant un emploi et travailleurs au chômage. Chercher la coordination avec les autres organisations ouvrières en lutte.

2-K. Garantir réellement l’indépendance à l’égard de toute tentative d’ingérence de la part du gouvernement et des institutions étatiques et leurs patrons.

2-L. Impulser la solidarité de classe, principe qui nous permet de mettre en pratique l’appui mutuel entre travailleurs et les membres des classes exploitées et opprimées. Cela implique également l’appui internationale à la lutte des travailleurs, peuples et nations contre l’oppression et l’exploitation capitaliste et pour l’exercice intégral du droit des peuples à leur souveraineté et indépendance nationales.

 Assemblée et Corps de délégués

Sur les autorités du syndicat.

Article 13. Les autorités du syndicat sont l’assemblée générale des syndiqués, le plénum des délégués d’usine, la Commission Directive et la Commission de contrôle financier.

Sur les assemblées.

Article 37. Les assemblées ordinaires et extraordinaires sont la plus haute autorité du syndicat.

Sur le Corps de délégués par atelier [24].

Article 23-J. La Commission Directive se doit d’organiser l’élection de Corps de délégués par atelier dans toutes les usines.

Article 55. Les délégués seront élus tous les deux ans par leurs collègues d’atelier syndiqués et non syndiqués et ils seront révocables par un vote à la majorité simple de leur atelier. L’atelier devra compter au moins 15 travailleurs, et au maximum 40 .En cas de seuil dépassé, un autre délégué sera élu. Si un secteur n’atteint pas ce seuil, il fusionnera avec un autre atelier pour élire son délégué. La réunion du Corps de délégués sera résolutive lorsque les délégués auront un mandat de leur base et le Corps de délégués peut s’autoconvoquer lorsqu’il a un mandat de sa base.

 

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