FT-CI

Tout change pour que rien ne change !

Le FN à la sauce Marine

09/04/2012

Par Romain Lamel

Marine Le Pen emboîte le pas de son père sur la plupart des sujets : elle est aussi raciste et xénophobe que son papa… Mais dans sa version « newlook », le FN version Marine sait aussi user d’une certaine démagogie en direction du monde du travail. Mais que proposent les frontistes, exactement, en termes de fiscalité, de logement ou de santé pour les classes populaires ?

Depuis quelques années, on disait le Front National transformé, « dédiabolisé » pour utiliser l’expression la plus fréquemment utilisée par les journalistes. Loin d’un quelconque changement idéologique profond, le parti de la famille Le Pen gommait les aspects les plus polémiques d’une extrême-droite française nostalgique de l’Empire colonial et obsédée par Vichy pour se repositionner en variante de pouvoir possible face à la droite ou en association avec des secteurs de la droite traditionnelle en cas d’aggravation de la crise, avec toujours pour objectif de devenir le rempart de l’ordre derrière lequel une bourgeoisie aux abois pourrait venir s’abriter [1]. En temps de crise économique, pour qu’un parti d’extrême-droite maintienne son audience, il se retrouve ã appliquer la maxime du roman de Lampedusa, Le Guépard : « Si nous voulons que tout reste tel que c’est, il faut que tout change ».

Le naturel chassé, il n’aura fallu attendre que les événements de Toulouse pour que le bon vieux discours du FN revienne au galop : « Combien de Mohamed Merah dans les bateaux, les avions qui chaque jour arrivent en France remplis d’immigrés ? » a déclaré la candidate frontiste, oubliant sans doute que celui-ci est né en France et qu’il était tout aussi français qu’Anders Behring Breivik était norvégiencela n’étant aucunement un gage d’intelligence et de tolérance. Si la xénophobie n’est plus l’axe principal de campagne du Front National, il demeure une part intégrante de son discours.

Nous ne reviendrons pas dans cet article sur les envolées xénophobes récurrentes de ce parti mais essaierons de comprendre l’évolution de son discours économique et social. Quand le père se revendiquait de Reagan et Thatcher, la fille en appelle désormais à l’interventionnisme de l’Etat. Qu’est-ce que cet interventionnisme change pour les classes populaires ?

Retraite ã 60 ans et suppression de l’ISF ?

Bien que le FN se soit opposé au mouvement contre la réforme des retraites à l’automne 2010, qualifiant même les grévistes des raffineries de « terroristes », Marine Le Pen propose le retour « progressif » à l’âge légal ã 60 ans ã taux plein avec 40 annuités de cotisation, sans indiquer toutefois le rythme de cette « progressivité », ni les objectifs de financement. Cette proposition est intermédiaire entre celle du Front de Gauche, le retour immédiat à la retraite ã 60 ans avec 40 annuités de cotisation et celle du Parti Socialiste, le retour à la retraite ã 60 ans avec 41,5 annuités de cotisation. Le FN serait-il un nouveau parti à la gauche du PS ?

Si l’on passe cette mesure symbolique quelque peu imprécise, on découvre que le programme du Front National s’avère dans la droite ligne de la rhétorique néo-libérale qui définit sa doctrine économique depuis sa création au début des années 1970. Ainsi, le FN souhaite défendre les petites entreprises et les artisans étranglés par les charges et les procédures administratives, l’apprentissage ã 14 ans, le durcissement des sanctions envers les chômeurs. Sa réforme fiscale révèle sa condition de serviteur des plus riches, encore plus zélé que Nicolas Sarkozy lui-même. Le FN souhaite supprimer l’ISF que Nicolas Sarkozy s’était contenté de réduire. Comme Sarkozy d’ailleurs, la candidate du FN préconise d’augmenter l’impôt le plus injuste socialement, la TVA, de 3 % sur les biens importés. Cette perte de pouvoir d’achat serait, comme pour Sarkozy, financée par un autre cadeau aux entreprises : l’Etat volerait une partie du salaire différé des travailleurs, les cotisations sociales patronales qui servent ã payer la Sécurité Sociale et les assurances chômage des travailleurs ; dans le même temps, ce serait l’Etat qui augmenterait de 200 euros net les salaires inférieurs ã 1,4 fois le SMIC. Ainsi, le patronat se verrait doublement gagnant : d’un côté par une exonération d’impôts, de l’autre car il ne serait même plus sollicité pour l’augmentation des salaires [2] .

Les fraudeurs, voilà l’ennemi !

Les propositions de Marine Le Pen concernant le logement sont tout aussi nocives pour la population laborieuse. Ce ne sont pas les propriétaires que vise Marine Le Pen mais les locataires, ceux « de mauvaise foi » qui ne « payent pas leurs loyers » ou qui « effectuent des dégradations » dans les logements sociaux qu’ils occupent. Native de Neuilly-sur-Seine, vivant dans un château sur les hauteurs de Saint-Cloud, Marine Le Pen ne propose pas de s’engager dans un renforcement des sanctions contre les communes ne respectant pas la loi SRU imposant 20 % de logements sociaux. Elle propose d’adapter la loi « aux possibilités concrètes de chaque commune » [3] . Un élu UMP de la banlieue parisienne ou lyonnaise ne saurait mieux dire…

Lorsque l’on aborde la question du déficit de la Sécurité Sociale, le FN montre encore une fois ouvertement quel est son maître. Pour le FN, ce ne sont les profits des multinationales pharmaceutiques ou les cadeaux faits aux patrons en termes de dégrèvements ou baisse de « charges » qui sont en cause, mais les « fraudeurs ». Ainsi, la candidate du Front National voudrait instituer un « secrétariat d’Etat à la lutte contre la fraude », créer une carte vitale biométrique sécurisée, imposer aux collectivités locales de transmettre toutes leurs informations, croiser systématiquement les fichiers sociaux et fiscaux, mettre en place un dossier médical personnalisé, etc. [4] . La poursuite de la traque des assurés sociaux pour rogner sur les remboursements aurait donc de beaux jours devant elle avec Marine Le Pen.

Par le biais d’un héritage, la démagogie du FN s’est rajeunie, féminisée, modernisée mais elle n’a rien perdu de son venin. Le FN reste l’allié indéfectible des classes dominantes et l’ennemi des classes populaires. Un vieux révolutionnaire russe expliquait qu’en temps de crise, le pouvoir politique ne peut se maintenir longtemps au sommet : telle une bille au sommet d’une pyramide, il doit infailliblement tomber ã gauche ou ã droite. Avec Le Pen, la bourgeoisie a sa solution toute trouvée pour que, si besoin est, la bille dévale la pyramide sur son versant droit, celui du maintien de l’ordre social ã grands coups de « talons de fer » ; ã nous, révolutionnaires, de construire au plus vite, la voie pour que la bille descende du côté gauche, celui d’une société émancipée sans exploitation, ni autre forme de domination.

12/04/02

    [1] Voir CCR, « La permanence de la crise sociale de cet automne sur la scène politique française. Donner une traduction révolutionnaire au malaise ouvrier et populaire », 05/05/11,

    [2] Voir « Le FN : l’économie et le social », Médiapart, 13/02/12,

    [3] Voir « Le FN et le logement », Médiapart, 13/02/12,

    [4] Voir « Le FN, la santé, la recherche et ‘la fraude’ », Médiapart, 13/02/12,

Notas relacionadas

No hay comentarios a esta nota

Periodicos

  • PTS (Argentina)

  • Actualidad Nacional

    MTS (México)

  • EDITORIAL

    LTS (Venezuela)

  • DOSSIER : Leur démocratie et la nôtre

    CCR NPA (Francia)

  • ContraCorriente Nro42 Suplemento Especial

    Clase contra Clase (Estado Español)

  • Movimento Operário

    MRT (Brasil)

  • LOR-CI (Bolivia) Bolivia Liga Obrera Revolucionaria - Cuarta Internacional Palabra Obrera Abril-Mayo Año 2014 

Ante la entrega de nuestros sindicatos al gobierno

1° de Mayo

Reagrupar y defender la independencia política de los trabajadores Abril-Mayo de 2014 Por derecha y por izquierda

La proimperialista Ley Minera del MAS en la picota

    LOR-CI (Bolivia)

  • PTR (Chile) chile Partido de Trabajadores Revolucionarios Clase contra Clase 

En las recientes elecciones presidenciales, Bachelet alcanzó el 47% de los votos, y Matthei el 25%: deberán pasar a segunda vuelta. La participación electoral fue de solo el 50%. La votación de Bachelet, representa apenas el 22% del total de votantes. 

¿Pero se podrá avanzar en las reformas (cosméticas) anunciadas en su programa? Y en caso de poder hacerlo, ¿serán tales como se esperan en “la calle”? Editorial El Gobierno, el Parlamento y la calle

    PTR (Chile)

  • RIO (Alemania) RIO (Alemania) Revolutionäre Internationalistische Organisation Klasse gegen Klasse 

Nieder mit der EU des Kapitals!

Die Europäische Union präsentiert sich als Vereinigung Europas. Doch diese imperialistische Allianz hilft dem deutschen Kapital, andere Teile Europas und der Welt zu unterwerfen. MarxistInnen kämpfen für die Vereinigten Sozialistischen Staaten von Europa! 

Widerstand im Spanischen Staat 

Am 15. Mai 2011 begannen Jugendliche im Spanischen Staat, öffentliche Plätze zu besetzen. Drei Jahre später, am 22. März 2014, demonstrierten Hunderttausende in Madrid. Was hat sich in diesen drei Jahren verändert? Editorial Nieder mit der EU des Kapitals!

    RIO (Alemania)

  • Liga de la Revolución Socialista (LRS - Costa Rica) Costa Rica LRS En Clave Revolucionaria Noviembre Año 2013 N° 25 

Los cuatro años de gobierno de Laura Chinchilla han estado marcados por la retórica “nacionalista” en relación a Nicaragua: en la primera parte de su mandato prácticamente todo su “plan de gobierno” se centró en la “defensa” de la llamada Isla Calero, para posteriormente, en la etapa final de su administración, centrar su discurso en la “defensa” del conjunto de la provincia de Guanacaste que reclama el gobierno de Daniel Ortega como propia. Solo los abundantes escándalos de corrupción, relacionados con la Autopista San José-Caldera, los casos de ministros que no pagaban impuestos, así como el robo a mansalva durante los trabajos de construcción de la Trocha Fronteriza 1856 le pusieron límite a la retórica del equipo de gobierno, que claramente apostó a rivalizar con el vecino país del norte para encubrir sus negocios al amparo del Estado. martes, 19 de noviembre de 2013 Chovinismo y militarismo en Costa Rica bajo el paraguas del conflicto fronterizo con Nicaragua

    Liga de la Revolución Socialista (LRS - Costa Rica)

  • Grupo de la FT-CI (Uruguay) Uruguay Grupo de la FT-CI Estrategia Revolucionaria 

El año que termina estuvo signado por la mayor conflictividad laboral en más de 15 años. Si bien finalmente la mayoría de los grupos en la negociación salarial parecen llegar a un acuerdo (aún falta cerrar metalúrgicos y otros menos importantes), los mismos son un buen final para el gobierno, ya que, gracias a sus maniobras (y las de la burocracia sindical) pudieron encausar la discusión dentro de los marcos del tope salarial estipulado por el Poder Ejecutivo, utilizando la movilización controlada en los marcos salariales como factor de presión ante las patronales más duras que pujaban por el “0%” de aumento. Entre la lucha de clases, la represión, y las discusiones de los de arriba Construyamos una alternativa revolucionaria para los trabajadores y la juventud

    Grupo de la FT-CI (Uruguay)